The Other Side : spectre à la maison
Avec son croquemitaine harcelant une famille suédoise, The Other Side joue la carte du fantastique familier. Et ça marche toujours.
Le classicisme revendiqué de The Other Side, production scandinave dénichée par les spécialistes de Wild Side et auréolée d’un passage au festival numérique de Gérardmer, amène à se poser une question simple : combien de fois peut-on rejouer les mêmes histoires, même en y apposant une patte différente, des variations originales, une intensité variable, avant que le spectateur ne soit définitivement lassé ? En d’autres termes, les vieux pots dans lesquels on puise les meilleures recettes doivent-ils finir une bonne fois pour toutes à la brocante, pour éviter l’indigestion ? Dans le genre qui nous occupe, le film de fantômes « contemporain », The Other Side vient apporter sa pierre avec une absence de remise en question, une linéarité narrative et une progression vers le surnaturel si familière, si balisée, qu’il ressemblerait presque à une notice d’emploi Ikea pour fabriquer sa propre ghost story à la maison.
Un bon petit plat fantôme
Direction la Suède, donc, pour suivre l’arrivée dans une nouvelle maison d’une petite famille reconstituée : Shirin, jeune belle-mère qui doit apprendre à vivre en ménage avec son compagnon Fredrik et son petit beau-fils Lucas, qui se remet avec peine de la perte de sa maman. Un pavillon modeste, interchangeable, mais un cocon quand même, qui a pour particularité d’être mitoyen d’une maison identique, mais abandonnée. Seulement, la première séquence nous a prévenu, il se passe quelque chose d’effrayant dans la bicoque vide, quelque chose qui a attaqué le précédent enfant à avoir habité là. Ce qui tombe bien, vu que Lucas semble s’être fait un nouvel ami imaginaire, que Shirin s’en inquiète rapidement même si personne ne la croit…
« Pas question d’échapper au spectre infantile maléfique qui attire le gamin innocent et aux portes qui grincent… »
Vous savez où tout cela va vous mener ? Ça tombe bien, nous aussi et comme évoqué plus haut, cette intrigue basique a quelque chose de déstabilisant dans sa simplicité assumée. Les réalisateurs et scénaristes Oskar Mellander et Tord Danielsson ont beau déclarer s’inspirer d’une histoire vraie (dans le sens « vraiment racontée par des gens que nous avons rencontrés »), pas question d’échapper au spectre infantile maléfique qui attire le gamin innocent, aux portes qui grincent – mais qui grincent ! –, aux apparitions spectrales dans les recoins de la chambre, à l’enquête de l’héroïne acculée qui ne reçoit que mépris de la part d’un conjoint pas très conciliant, contre toute logique… The Other Side est une récitation du genre, c’est vrai. Mais c’est une récitation appliquée, besogneuse dirons-nous, qui ainsi dépareillée, valorise un très bon trio d’acteurs (même le gamin est convaincant) et impose graduellement une ambiance macabre qui fait son petit effet. Un couloir grisâtre, un grenier vide, un soubassement aux contours changeants, deux yeux dans le noir et un croquemitaine disloqué qui n’a rien à justifier : avec ces éléments-là, ce scénario premier degré concentré sur l’essentiel, The Other Side mitonne un plat qui ne prétend pas appartenir aux grandes tables. Du réchauffé pourrait-on dire. Mais qui se digère encore étonnamment bien, malgré l’ancienneté de la recette.