The Old Ways : le diable passe la frontière
L’une des bonnes surprises du BIFFF 2021, The Old Ways revisite le film d’exorcisme sous un angle – enfin – original.
Comme tous bons amateurs de films de genre, nous déplorons régulièrement dans ces pages le manque d’originalité criant des films de possession et d’exorcisme (l’un n’allant bien évidemment pas sans l’autre), le cadre géographique étant souvent la seule marque spécifique intéressante de beaucoup d’entre eux. Dans le cas de The Old Ways, deuxième long-métrage de Christopher Alender sélectionné à Sitges et au BIFFF 2021, ce n’est pas seulement le changement de décor qui marque les esprits. Profondément ancré dans la culture mexicaine, ce film démoniaque nous embarque également dans une quête intérieure, où métaphores judicieuses et horreur bien littérale se disputent notre intérêt, 90 minutes durant.
La possession, c’est dans les gênes
The Old Ways démarre avec un flashback on ne peut plus prévisible pourtant. Une petite fille assiste à une séance d’exorcisme et sa mère est la victime, harnachée et maintenue sur une table par ses guérisseurs. Alors qu’elle pense tendre le bras vers sa génitrice, le visage maternel se déforme horriblement et profère des insanités en espagnol. Un jump scare de bon aloi, mais pas gratuit. Cet événement traumatisant est inscrit dans la psyché de Cristina (Brigitte Kali Canales, intense et charismatique), qui a quitté son Mexique natal pour étudier et se lancer, avec succès, dans le journalisme aux USA. Cristina est une enquêtrice de terrain chevronnée, mais elle revient sur ses terres natales pour investiguer la véritable nature d’une grotte soi-disant hantée près de Vera Cruz. Après une soudaine ellipse, Cristina se réveille harnachée sur une chaise, prisonnière d’une geôle perdue dans la jungle. Un homme rustre et sa mère, Luz (Julia Vera, impressionnante), une brujeria maquillée en blanc et rouge, sont ses inquiétants gardiens, et sa propre cousine Miranda (Andrea Cortés) est de l’autre côté des barreaux, le visage inquiet… Son exorcisme va commencer !
« Les séquences spectrales à la James Wan
laissent la place à un festival de body horror
et d’incantations très efficace. »
La qualité d’une série B arrivant cinquante ans après les œuvres fondatrices du genre réside dans sa capacité à nous surprendre, à déjouer les attentes et à construire surtout un récit autonome aux personnages intéressants. Si les démons nous sont familiers, autant que les héros soient eux inédits ? The Old Ways coche de fait toutes ces cases avec un certain talent, en creusant d’une part avec sérieux et application le côté dépaysant de cette culture mexicaine ancestrale, ces fameuses « voies anciennes » dont Luz est la dépositaire respectée. Le scénario s’amuse à inverser plusieurs fois les points de vue du spectateur sur chacun des personnages, faisant d’abord de Cristina la victime en détresse avant de révéler la vraie nature de ses geôliers et le mal qui habite la jeune journaliste. The Old Ways dissèque également la personnalité trouble de son héroïne en faisant d’elle une addict persuadée que les hallucinations démoniaques qui l’assaillent ou ses vomissements sont les conséquences hardcore de cette cure de désintox improvisée par sa sœur. Le film maintient, souvent avec succès, le doute sur ses moments fantastiques (hallucinations ou démon ?), trouvant un équilibre convaincant avec la construction psychologique de ses quatre personnages, tous prisonniers d’une certaine manière de leur héritage filial et culturel.
The Old Ways lâche les chevaux dans un dernier acte particulièrement remuant et graphique, les séquences spectrales à la James Wan laissant la place à un festival de body horror et d’incantations très efficace, même si Christopher Alender ne peut s’empêcher d’alourdir l’ensemble à l’aide de grosses ficelles hollywoodiennes plus forcées (et donc visiblement artificielles) que ce qui précédait. Cela n’empêche pas le cinéaste de boucler son affaire sur un dernier renversement inattendu, prouvant que même dans un cadre aussi familier, avec des arguments scénaristiques que l’on penserait usés, il est possible de livrer avec un peu d’efforts un divertissement d’excellente facture.