Yaksha, un démon en mission : des espions pas très discrets
Un ex-procureur sud-coréen tombe sur un groupe d’espions brutaux dans ce chaotique et spectaculaire Yaksha.
Il ne faut pas plus de cinq minutes à Yaksha, un démon en mission, nouvelle production sud-coréenne à sortir en exclusivité sur Netflix (comme Space Sweepers, le film a été racheté par la plateforme après avoir été repoussé à cause de la pandémie), pour définir ses intentions. Film d’espionnage à grand spectacle, le long-métrage s’ouvre à Hong-Kong avec une scène d’action mâtinée de poursuite à perdre haleine et de combat à mains nues, in medias res comme disaient les Romains. Un court morceau de bravoure brutal et frénétique qui nous permet de faire connaissance, sans le savoir avec le personnage-titre Yaksha (en vérité un surnom), joué par le vétéran local Seol Kyeong-gu (Public Enemy, Memoir of a murderer, Sans pitié) : plus qu’un espion d’élite, un barbouze impitoyable du NIS, les services de renseignements coréens, pour qui la fin justifie tous les moyens.
Rififi à Shinyang
Yaksha n’est toutefois pas le véritable personnage principal de son propre film. Ses méthodes et ses motivations, nous les découvrons longtemps après cette introduction à travers les yeux de Han Ji-hoon (Park Hae-soo, Squid Game), un procureur déchu devenu examinateur spécial au NIS. Un costard-cravate, certes, mais aussi un idéaliste déterminé à coincer ses adversaires en respectant la loi. Autant dire qu’une fois envoyé à Shinyang, ville industrielle du nord-est de la Chine et véritable repaire d’espions pour toute l’Asie, Han se retrouve hors de son élément. L’antenne locale qu’il est chargé de surveiller est en fait une équipe de haut vol chargée d’opérations secrètes, commandée par Yaksha. Des agents pas très discrets, mais rudement efficients, qui voient d’un très mauvais œil l’arrivée de ce bureaucrate, venu questionner leurs méthodes expéditives alors qu’ils préparent leur plus dangereuse mission…
"Dans la grande tradition des divertissements coréens, Yaksha complexifie inutilement son jeu de dupes."
C’est à un mariage détonnant entre thriller hard boiled et potentielle franchise d’espionnage à la Mission : Impossible (carrément citée dans les dialogues) que nous invite Yaksha, nouvel effort du réalisateur de l’efficace The Prison. Le cinéaste s’appuie dès les premières minutes sur une photo débordant de couleurs, exploitant jusqu’à l’ivresse l’abondance de néons urbains et de contrastes visuels marqués de son décor chinois. Le script film colle lui longtemps aux basques de son transparent héros raide comme la justice, avant de passer aux choses sérieuses une fois les « présentations » faites avec le dur à cuire Yaksha. Seol Kyeong-gu n’a pas à forcer son talent pour donner du relief à cet increvable (très littéralement) agent anticonformiste, sorte d’Ethan Hunt ultraviolent, impassible et sans gadgets qui mène son escouade de jeunes espions à la baguette.
Dur de s’attacher à ces derniers, et pour cause : dans la grande tradition des divertissements coréens, Yaksha complexifie inutilement son jeu de dupes à base de liste secrète, de traîtres haut placés et de relations géopolitiques tendues. Alors que les séquences de fusillades, d’infiltration et de poursuites, soignées, mais pas d’une folle originalité, s’enchaînent, le film finit paradoxalement par faire du surplace, avec ses rebondissements redondants et ses personnages qui n’en finissent pas de ne pas mourir. Loin d’être honteux plastiquement, porté par un casting charismatique, Yaksha pâtit de ce proverbial quart d’heure en trop et d’un épilogue convenu, qui annonce une possible (et improbable) suite sans trop de conviction.