Il n’y avait pas meilleure période pour dédier un film d’aventures à ces combattants trop sous-employés que sont les archers. Pensez-y : à part Robin des Bois et Legolas (ok, et Rambo), combien de héros amoureux de leurs carquois pouvait-on citer jusqu’à présent ? Allez savoir pourquoi, le tir à l’arc est devenu tendance au cinéma ces derniers temps : l’héroïne de Rebelle l’utilise pour s’affirmer, le Hawkeye des Avengers possède un don quasi-surnaturel pour toujours faire mouche, et Jennifer Lawrence a fait ses classes à l’école olympique pour se transformer en farouche amazone dans Hunger Games. Bon sang, il existe même désormais une série appelée Arrow ! La Corée du Sud a donc le sens du timing, puisque débarque chez nous, un an après son triomphe dans les salles asiatiques, ce War of the Arrows tout entier tourné vers l’action et la course-poursuite, avec des archers moyenâgeux, qui loin d’être les habituels « bombardiers » de deuxième ligne, connaissent ici tout de l’art d’atteindre leur cible dans n’importe quelle position.
Always on the run
XVIIe siècle, sous la dynastie Joseon : Nam-Yi et sa sœur Ja-In sont reclus dans un village frontalier après un coup d’état où leur seigneur de père a perdu la vie. Qualifiés de traîtres à la nation, les deux enfants se font discrets et grandissent en même temps que se développe leur technique de tir à l’arc. Un art qui va s’avérer bien utile le jour où les troupes mandchoues décident d’envahir le royaume, tuant ou réduisant en esclavage tous les villageois qui se trouvent sur leur passage. Ja-In est enlevée le jour de son mariage avec Seo-Gun et emmenée, comme 50 000 de ses compatriotes, par-delà les frontières. Ayant échappé à cette rafle, Nam-Yi se lance sur leurs traces, pour remplir la promesse que son père lui a fait tenir, celle « de protéger coûte que coûte sa sœur ». Avec l’aide de Seo-Gun, et son talent inné pour l’archerie, Nam-Yi devient vite le cauchemar des envahisseurs, en particulier d’une troupe d’élite menée par Jyushinta, composée justement… d’archers.
Autant le dire d’emblée, cela faisait longtemps qu’on avait pas vu pareil film d’aventures : linéaire, original et dégraissé de tout propos superflu pour privilégier les sensations fortes. War of the arrows commence d’ailleurs dans le feu de l’action, avec une mêlée générale suivant le fameux coup d’état, dans laquelle des chiens de chasse sont lâchés sur les enfants courant à perdre haleine. Un bon moyen pour le réalisateur Kim Han-Min de poser immédiatement l’ambition rythmique de son film, qui prendra malgré tout le temps de poser ses enjeux avant d’embarquer dans sa traque épique. L’occasion de verser une courte rasade d’humour typiquement coréen (des gags à base de vomi, ce genre de choses…) et de commencer à rendre attachant le taciturne Nam-Yi, un taiseux dont la personnalité, ainsi que l’aurait aimé Howard Hawks, se révèlera avant tout à travers ses actes. Il n’y a, et c’est plutôt rafraîchissant, pas de place ici pour un mélodrame excessif. Les flèches se taillent les meilleurs dialogues.
En mode survival
Le film emprunte le sentier de la guerre une fois passée la séquence de mise à sac introduite par un étrange clin d’œil à Jurassic Park. S’appuyant sur une réelle base historique (l’invasion mandchoue de 1637, une période pour une fois décrite sans emphase nationaliste), Han-Min brode en filigrane son histoire de sauvetage, aussi simple que brutale. En gros, Nam-Yi ne se bat pas pour son pays : il veut juste sauver sa sœur, et si cela signifie la mort des soldats qu’il croise et la naissance d’une rébellion en cours de route, qu’il en soit ainsi. Et le scénario ne dévie pas un instant de cette ligne directrice : Nam-Yi est d’abord le poursuivant, éliminant un à un ses ennemis d’une flèche à plume rouge, avant de devenir le poursuivi, pourchassé par un commando en côtes de mailles monstrueusement charismatique.
C’est dans cette deuxième heure que War of the arrows, certes efficace et conforme à l’excellence technique des films coréens, devient véritablement palpitant et digne de louanges. Jyushinta et ses acolytes ont beau être les méchants de l’histoire, ils se retrouvent au centre d’une chasse à l’homme qui les dépasse petit à petit. Le film d’aventures historique se transforme alors en survival forestier, évoquant Le dernier des Mohicans lors d’un duel vertigineux à flanc de falaise, et surtout Predator, avec cet environnement escarpé, touffu, prenant progressivement de plus en plus d’importance dans la guerre tactique que se livrent ces snipers d’un autre temps.
Carquois qu’il fasse, il est toujours vainqueur
Flèches courbées à la force des doigts, têtes en forme d’enclume (très efficaces pour réduire en copeaux l’écorce des arbres !), calcul de la force du vent, pièges divers… Réduite à une poignée de décors et de rebondissements, l’action se fait ludique, mais jamais au détriment des personnages, d’autant plus crédibles qu’ils ne nous ont pas été introduits par des pages de dialogues. Parmi les hommes de Jyushinta se distinguent par exemple le fidèle lieutenant, un éclaireur bègue, un colosse sans peur… La mort les frappe de manière arbitraire, y compris avec le passage d’un tigre (affreusement) numérique relançant de plus belle la machine. À chaque fois, l’ingéniosité du scénario saute aux yeux : Nam-Yi est présenté comme un outsider jusque dans la description de son arc, « plus petit et moins puissant que les arcs mandchous », mais malgré les blessures et l’infériorité numérique, il ressort de chaque affrontement encore vainqueur. Il y a quelque chose de furieusement épique à voir se construire ce héros sacrificiel, aussi noble que désintéressé, et c’est tout au crédit de Park Hae-Il (The Host), couvert de récompenses pour l’occasion, d’avoir su faire passer de multiples émotions par sa gestuelle et ses regards. Notons aussi la modernité du personnage de Seo-Gun, farouche sœur captive, qui parvient à ne pas se cantonner à son rôle de demoiselle en détresse.
On savait les Coréens en délicatesse avec les films historiques, généralement pesants et routiniers. La règle change avec cette véritable réussite qu’est War of the arrows, qui a été le deuxième plus gros succès de l’année 2011 au pays du Matin Calme. Un succès mérité et d’autant plus logique que les sud-coréens sont bel et bien, dans la réalité… les meilleurs archers du monde (regardez juste le tableau des titres olympiques pour vous en convaincre).
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War of the arrows
De Kim Han-Min
2011 / Corée du Sud / 122 minutes
Avec Park Hae-Il, Ryoo Seung-Yong, Kim Mu-Yeol
Sortie le 20 novembre en DVD et Blu-ray
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