Avoue, Fletch : un détective perché et irrésistible
Détective foutraque, héros d’une dizaine de romans, Fletch renaît à l’écran sous les traits de Jon Hamm. Rafraîchissant !
Malgré le fait qu’il ait incarné l’un des personnages les plus reconnaissables, imités, complexes et classieux de la télé américaine du 21e siècle (le Don Draper de Mad Men, pour les deux du fond), Jon Hamm n’a pu jusqu’à présent confirmer cette réputation sérielle sur grand écran. Inexplicablement relégué au rang d’intimidant second rôle de luxe dans des grosses productions (The Town, Baby Driver, Le cas Richard Jewell ou encore dernièrement Top Gun : Maverick), Hamm n’a eu que peu d’opportunités de tenir le haut de l’affiche et quand il le faisait, le film passait inaperçu (quelqu’un se souvient d’Opération Beyrouth ?). Avec Avoue, Fletch, nouvelle adaptation des romans de Gregory McDonald, l’acteur-producteur se fait doublement plaisir : en plus d’y tenir le rôle principal, celui du journaliste fauché plus ou moins détective Fletch, il revient à un genre qu’il adore et dans lequel on l’attend moins, la comédie. Et il s’y épanouit bien, le bougre !
Mystère et décontraction
Alors que le genre du whodunit renaît au cinéma grâce aux efforts de Rian Johnson et Kenneth Branagh, Avoue, Fletch remet sur le devant de la scène un personnage de limier pas très fin popularisé au milieu des années 80 par deux films avec Chevy Chase (Fletch aux trousses et Fletch Lives), en adaptant le roman Fletch, à table !. Héros décontracté et fouineur, Fletch résout plus ses enquêtes à son corps défendant que grâce à un intellect puissant. Dans cette nouvelle et élégante version signée par le spécialiste Greg Mottola (immortel auteur de Supergrave, qui retrouve Hamm après Les espions d’à côté), Hamm endosse la défroque de ce gentil branleur à l’air déphasé, qui a tout du parasite social s’invitant là où on ne veut pas de lui, avec un bonheur visible à chaque scène.
« Cette série noire traitée au second degré sert d’écrin à un comédien prenant un pied d’enfer à peaufiner un héros semblable à nul autre. »
Plutôt grossier, souvent à côté de la plaque et berné par plus malin que lui, Fletch papillonne entre Rome et la riche société bourgeoise de la côte Est pour une affaire de meurtre d’une femme où il est le principal suspect. Dans son viseur, une brochette d’héritiers en puissance dont sa nouvelle petite amie italienne, un marchand d’art mysophobe (Kyle MacLachlan !), un artiste violent… Multipliant les allers-retours temporels et les personnages lunaires, mais irrésistibles (comme ce couple de policiers mal assorti, dont l’un vit très mal ses courtes nuits de nouveau papa, ou une voisine hippie interrogée par Fletch dans une scène d’une démente absurdité), l’intrigue d’Avoue, Fletch est moins un modèle de suspense que de savante décontraction. Peu importe ici que le héros trouve la solution de l’énigme avant tout le monde (il n’y arrivera pas), ou que justice soit faite (ce sera à peine le cas). Seule compte cette atmosphère jazzy de déambulation désopilante, sorte de série noire traitée au second degré qui sert d’écrin à un comédien prenant un pied d’enfer à peaufiner un héros semblable à nul autre. Ne reste plus à espérer que Hamm ait droit lui aussi d’en faire une petite et incorrecte franchise !