84 m2 : une critique brouillonne des inégalités sociales

par | 22 septembre 2025

84 m2 : une critique des inégalités sociales trop brouillonne

Anxiogène et brutal, 84 m2 échoue, malgré une mise en scène tendue, à réussir le mariage entre brûlot social et suspense tortueux.

Sorti cet été sur Netflix et momentanément classé dans le top 10 de la plateforme, 84 m2 est la seconde réalisation de Kim Tae-joon, qui s’était déjà illustré sur Netflix en 2023 avec le thriller technologique Unlocked. En tête d’affiche, on retrouve Kang Ha-neul, vu récemment dans Squid Game : il interprète de façon très convaincante No Woo-seong, un jeune actif asphyxié par une société coréenne qui ne sait plus quoi faire de sa jeunesse. À ses côtés, Yeom Hye-ran, une actrice expérimentée aussi bien au cinéma qu’à la télévision et même au théâtre (The Glory, La vie portera ses fruits…) lui donne la réplique en représentante d’immeuble mystérieuse.

Un proprio qui en a gros

84 m2 : une critique des inégalités sociales trop brouillonne

84 m2 ne perd pas de temps et présente dès les premières minutes son protagoniste sur le point d’acheter un appartement (le fameux logement à l’origine du titre). Cet événement, comme c’est souvent le cas dans un pays où l’accession à la propriété est un gros marqueur de réussite, semble être l’accomplissement ultime dans la vie de No Woo-seong. Mais rapidement, le rêve se transforme en cauchemar entre voisins étranges, bruits suspects à l’origine indéterminée et dettes qui s’accumulent. Entre solitude et paranoïa, No Woo-seong se débat péniblement pour garder la tête hors de l’eau. Mais au-delà du cas personnel du héros, c’est une société coréenne gangrenée par les inégalités sociales et une jeunesse désabusée que le long-métrage dénonce. No Woo-seong n’est que le symbole d’une nation qui semble s’effondrer sur elle-même un peu plus chaque jour, poussant chacun aux pires extrémités pour tenter de tirer son épingle du jeu…

« La mise en scène solide et le climat anxiogène
plairont aux amateurs de films coup de poing. »

La mise en scène est nerveuse et le rythme haletant, à l’image de la vie de No Woo-seong qui se bat jour et nuit contre un monde qui ne semble pas vouloir de lui. Cette efficacité ne faiblira quasiment pas malgré une durée flirtant avec les deux heures. Et si le film n’est pas exempt de défaut il est tout sauf ennuyeux. Le climat étouffant dans cet immeuble, qui devient un personnage à part entière, oppressant et vivant, presque plus tangible que la société extérieure, est aussi très bien maîtrisé. Ce décor à base d’escaliers interminables et de murs grisâtres contribue à installer une tension constante. C’est cette tension permanente, presque physique qui constitue le plus grand atout de 84 m2.

 Malheureusement cette maîtrise visuelle et rythmique ne suffit pas à compenser une écriture beaucoup plus brouillonne. Le film veut trop en faire et ne parvient jamais à trouver son ton : la comédie noire est sous-exploitée, les moments d’action sont efficaces sans être remarquables et l’aspect thriller s’épuise à force d’enchaîner les rebondissements. Même le côté tragique qui aurait pu être marquant reste en surface. À force de vouloir courir partout, 84 m2 ne va nulle part. Il accumule les twists avec une énergie qui frôle l’overdose, donnant le sentiment d’un scénario qui s’égare dans la surenchère pour masquer un manque de fond.

Un thriller trop éparpillé

84 m2 : une critique des inégalités sociales trop brouillonne

On sent pourtant chez son réalisateur une réelle volonté de dénoncer des problèmes actuels, que ce soit la crise du logement, la désillusion de la jeunesse, la violence sociale et même la corruption, mais tout reste à l’état de tentative embryonnaire. Jamais son propos ne va jusqu’au bout de ses idées, le film privilégiant les moments chocs aux réflexions poussées. Ainsi les quelques scènes sanglantes plutôt bien exécutées et parfois réjouissantes dans leur brutalité frontale, semblent plus là pour le spectacle que pour appuyer un message.

Reste une mise en scène extrêmement solide et un climat anxiogène qui plairont aux amateurs de films coup de poing. Kim Tae-Joon sait créer des séquences « qui claquent » ou provoquent le malaise. 84 m2 n’est donc pas un mauvais film, et il peut même être captivant, voire percutant, par moments. Mais le résultat reste trop éparpillé, se rêvant à la fois brûlot social, divertissement sanglant, satire urbaine et thriller psychologique. À réserver aux amateurs de cinéma de genre « à la coréenne », qui sont prêts à accepter que le message passe parfois au second plan derrière le style et la tension. Les autres risquent d’y voir seulement une production confuse et inaboutie.