La disparue de la cabine 10 : la croisière tourne au naufrage

par | 21 octobre 2025

La disparue de la cabine 10 : la croisière tourne au naufrage

Plombé par un script paresseux et des personnages oubliables, La disparue de la cabine 10 survit à peine grâce à son twist central.

Pas loin d’être aussi célèbre que Le crime de l’Orient-Express, le roman d’Agatha Christie Mort sur le Nil a réussi à faire rimer pour l’éternité croisière avec meurtrière. De ce grand classique de la littérature criminelle, La disparue de la cabine 10 a retenu peu de choses, si ce n’est la volonté de développer son mystère à bord d’un bateau où l’action se déroule – en partie seulement, malheureusement. Adapté du best-seller de Ruth Ware, elle aussi britannique et spécialisée dans les romans policiers, le film de Simon Stone (The Dig) embarque une journaliste, jouée par Keira Knightley, dans une croisière sur un superyacht en direction des fjords norvégiens. Le titre est plutôt limpide là-dessus : il va y avoir un crime à bord ! Mais l’originalité de La disparue de la cabine 10 vient du fait que l’héroïne est la seule à y avoir assisté et que personne ne croit à son histoire. Cela rajoute un vernis de suspense hitchcockien que le long-métrage, calibré comme une production Netflix sans grande ambition, ne va pas savoir vraiment exploiter.

Superyacht et méga-suspects

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Alors qu’elle revient d’un reportage qui l’a traumatisé (sa source a été tuée pour lui avoir révélé ses secrets), la journaliste anglaise Laura « Lo » Blacklock est invitée à couvrir la croisière inaugurale d’un navire de luxe, appartenant à un milliardaire, Richard Bullmer (Guy Pearce, en roue libre) et sa femme Anne (Lisa Loven Kongsli, Snow Therapy), gravement malade. Le superyacht doit emmener ses invités – tous riches, tous méprisables – au cœur d’un fjord norvégien, comme une sorte de dernier voyage pour Anne, qui y signera son testament. Peu à l’aise dans cet environnement, surtout lorsqu’elle y croise l’un de ses ex photographes, Ben (David Ajala, Star Trek : Discovery), Laura passe du malaise au choc lorsqu’elle entend une nuit des bruits de lutte dans la cabine 10. Elle a le temps de voir un corps flotter dans l’eau, inerte, avant d’alerter l’équipage. Mais le capitaine l’assure que personne ne manque à l’appel et que la cabine 10 était inoccupée. En bonne enquêtrice, Laura sait – et nous savons – qu’elle a raison. Elle se met donc à chercher des preuves pour trouver l’identité de la disparue…

« Le film Netflix devient un thriller lambda avec des rebondissements expédiés et des facilités qui s’empilent jusqu’à nous noyer dans l’indifférence. »

Si elle n’est pas d’une folle originalité, la nature du suspense échafaudé dans La disparue de la cabine 10 a le mérite d’intriguer tout bon amateur de whodunit et de crime « impossible » où les suspects fourmillent autant que les obstacles barrant la route de l’enquêteur. Le cadre luxueux, labyrinthique et pas assez exploité du véritable superyacht Savannah, où le film a été tourné, participe aussi de l’ambiance à la fois exotique et glaciale du film. Un bon décor, de bons ingrédients, une star motivée à défaut d’être transcendante, tout paraît bien calé pour un petit divertissement du samedi soir, mais La disparue de la cabine 10 faillie à sa tâche. D’abord parce que la galerie de personnages qui gravite autour de Laura est aussi mal définie qu’inintéressante. C’est un gâchis d’inviter des acteurs du calibre de David Morrissey, Hannah Waddingham ou Kaya Scoledario pour leur donner aussi peu de matière à exploiter. On est loin, dans ce domaine, des illuminés hauts en couleur imaginés par Rian Johnson dans Glass Onion et À couteaux tirés.

 La résolution du mystère, ensuite, est certes gonflée, et absurde à plus d’un titre (impossible d’en dire plus, mais elle implique tout de même la suspension de crédulité de beaucoup de personnages). Mais elle arrive aussi bien trop tôt dans une histoire pourtant pressée. Au bout d’une heure, vous saurez déjà tout sur la disparue, l’identité du criminel et les raisons de tout ce drame. La suite ? Un dernier acte d’une paresse sans nom, où le bateau cesse d’être une prison dorée dont on explore les différents ponts. Le film Netflix devient un thriller lambda avec des rebondissements expédiés et des facilités qui s’empilent jusqu’à nous noyer dans l’indifférence. Comme si les scénaristes et le réalisateur avaient soudain jeté l’éponge, se contentant de plans majestueux sur les paysages scandinaves et d’un happy end sans conséquence pour boucler sans bruit leur affaire. Un véritable naufrage. Ne soyons donc pas surpris si à terme, La disparue de la cabine 10 finit par être engloutie dans les tréfonds du catalogue de la plateforme, comme d’autres thrillers un peu trop anonymes avant lui.