Good Boy : mon chien voit des morts

par | 31 octobre 2025

Good Boy : mon chien voit des morts

Transformant un retriever en star de film de genre, Good Boy revisite le film de fantômes à hauteur de chien. Modeste, malin, et touchant.

Que restera-t-il dans quelques années du mini-phénomène qu’est devenu Good Boy ? Une superbe histoire dans l’histoire, déjà : un film à tout petit budget, bricolé avec des moyens du bord qui rendraient fier un Sam Raimi, mais dont le concept aussi simple que brillant a permis de faire naître une nouvelle star canine nommée Indy. La beauté de ce pas si long-métrage sorti de nulle part, auquel le marketing de son distributeur IFC Films a donné un relief inattendu, c’est que l’adorable chien au pelage roux et blanc a traversé le tournage (300 jours répartis sur 4 ans, tout de même) et cette campagne médiatique sans avoir conscience des horreurs fictionnelles auxquelles son maître de réalisateur, Ben Leonberg, le confrontait.

Car si Good Boy n’est évidemment pas le premier film ayant pour héros principal un canidé bien dressé (deux mots pour vous : Air Bud), c’est le premier à raconter une histoire de maison hantée du point de vue d’un chien. Et ce concept n’est pas un vain mot pour Leonberg, qui a construit toute sa mise en scène et ses thématiques autour de son compagnon adoré.

Petit tour de chien fantôme

Good Boy : mon chien voit des morts

Indy joue donc Indy, un retriever de la Nouvelle-Ecosse qui voue une affection sans limites à son maître Todd (Leonberg lui-même, doublé après coup par l’acteur Shane Jensen). Malingre et atteint d’une maladie respiratoire qu’on imagine incurable, Todd décide de quitter New York pour s’installer dans une bicoque familiale en pleine forêt. Une masure à l’abandon dans laquelle son grand-père (l’égérie du film de genre indé Larry Fessenden, uniquement présent via de vieux extraits de VHS) a trouvé la mort, isolé de tous. Vera (Arielle Fridman), la sœur de Todd, s’inquiète pour son frère, qui petit à petit suit le même chemin que son aïeul. Indy, lui, sent que l’état de son maître se détériore. Il détecte aussi en permanence des ombres ou silhouettes qui entourent Todd et la maison, et entend les cris plaintifs d’un chien invisible. Son instinct et son sixième sens servent de mise en garde contre ce danger, mais que peut faire Indy pour sauver Todd face à cette menace fantomatique ?

« On pourrait se perdre dans les yeux d’Indy, parce que le mutisme
de l’animal sert de miroir idéal à toutes les angoisses
que Leonberg matérialise. »

Dès que Good Boy a commencé à se faire connaître, intrigant le public sur sa promesse inédite, une question s’est répandue comme une traînée de poudre : Indy survit-il à la fin ? Spoiler : oui (ouf), évidemment que oui. Car quel spectateur doté d’un cœur survivrait au trépas d’un chien aussi adorable, dont la caméra scrute pendant 1h15 la moindre inflexion d’oreille, le moindre hochement de tête ou regard fixant un hors-champ indicible ? On pourrait se perdre dans les grands yeux ronds d’Indy, parce que le mutisme de l’animal sert de miroir idéal à toutes les angoisses que Leonberg, pour son premier film, matérialise à l’écran. Good Boy n’est pas un film de fantômes qui donne dans la complète suggestion. Malgré ses maigres finances, le film donne corps à ce spectre d’origine inexpliquée, qui pourrait être la Mort elle-même. Un fantôme qui s’extirpe des recoins d’une pièce, d’un sous-sol ou d’une forêt dense, et avec lequel notre héros à quatre pattes entretient un rapport quasi-mystique. Car les chiens, comme tous les animaux, ne peuvent pas saisir le concept de mort, mais savent d’instinct ce qu’est une menace – pour eux peut-être, mais surtout pour leur maître.

Le meilleur ami de l’homme mourant

Good Boy : mon chien voit des morts

Le chien, c’est bien connu, est le meilleur ami de l’homme. Mais dans Good Boy, l’homme en question est, disons-le pudiquement, « sur le départ ». Todd est à peine visible à l’écran, filmé de dos ou hors-cadre car la caméra reste rivée au niveau du sol et au point de vue sur le monde d’Indy. Il en résulte une étrange et pesante impression de solitude, qui s’amplifie à mesure que les ténèbres engloutissent et s’attaquent à Indy. Le film maintient longtemps le doute sur le caractère surnaturel de la hantise qui s’abat sur Todd. Leonberg va jusqu’à pénétrer dans l’inconscient du chien, lors d’une scène de rêve qui dit tout ce que le canidé ne peut formuler sur son inquiétude existentielle.

Dépouillé, languissant, visuellement envoûtant (une gageure, répétons-le, vus les moyens limités de cette production), Good Boy se révèle néanmoins répétitif. Son scénario squelettique donne l’impression de jouer la montrer en enchaînant les moments de frousse et d’« acting », toujours fascinants, d’Indy – qui doivent tout à trois éléments : la patience de l’équipe, l’efficacité du montage et de la post-production. Alors qu’on pense que l’exercice de style touche ses limites, Good Boy trouve sa raison d’être lors d’un ultime acte touchant. C’est dans ces moments macabres, où le poids du passé devient palpable, où la main glacée de la Mort entre en jeu, que la vraie nature de ce petit film se révèle. Confronté aux limites de sa loyauté et à un choix dramatique entre la lumière et les ténèbres, une nouvelle vie ou l’oubli, l’animal expérimente à sa façon le désarroi et le deuil. Et là encore, tout se passe de mots. Plus qu’une histoire de fantômes, Leonberg délivre ainsi une déclaration d’amour discrètement émouvante à tous les fidèles compagnons à quatre pattes. Nul doute que la #teamchien, non contente d’être soulagée par le sort d’Indy, versera illico sa petite larme.