Heart Eyes : quand l’amour donne la chair de poule

Mélange inattendu de romcom et de slasher, Heart Eyes réussit paradoxalement à être plus convaincant dans sa romance que sa partie horrifique.
Après avoir fait ses armes dans la comédie horrifique avec Scare Me et Loups-garous, Josh Ruben a décidé de s’essayer avec Heart Eyes au slasher teinté de comédie romantique. Une idée étonnante qui sur le papier est plutôt prometteuse entre son héroïne au cœur brisé, un faux couple qui devient de plus en plus réel et, surtout, un tueur en série masqué amateur de la Saint-Valentin. Le film démarre fort et même très fort, avec une séquence d’ouverture géniale, mélange d’humour noir, de mise en scène ciselée et d’une présentation du fameux « Heart Eyes Killer » sur fond de demande en mariage ratée hilarante. Josh Ruben prouve en quelques minutes qu’il sait manier les codes propres au genre entre courses-poursuites rythmées, jump scares efficaces et dialogues mordants. Le tout laissait présager le meilleur. Malheureusement cette ouverture endiablée reste la meilleure séquence du film et c’est bien là le problème.
Les tourtereaux et le croquemitaine

Après avoir placé la barre aussi haut, Heart Eyes plonge dans le cœur de son histoire, à savoir le quotidien d’Ally (Olivia Holt, vue dans la série Cruel Summer) une publicitaire au cœur récemment brisé qui se voit imposer un nouveau collègue, Jay (Mason Gooding, à l’affiche des deux derniers Scream) afin de rattraper une bourde sur sa dernière campagne publicitaire. Entre tensions, crush inavoué et faux couple pour rendre l’ex d’Ally jaloux, ils vont attirer l’attention de notre « ami » le tueur en série, en quête de nouvelles victimes à éliminer durant la nuit du 14 février. Si la trame est, comme promis, digne d’une énième comédie romantique netflixienne fusionnée avec un slasher, force est de constater que son duo principal sauve bien les meubles. Bien que volontairement présentés comme des archétypes vus et revus, ils parviennent à insuffler une vraie énergie et une vraie complicité dans leurs scènes.
« Ce croquemitaine manque d’épaisseur, de charisme et surtout d’un minimum de logique et de motivations. »
Ce n’est malheureusement pas le cas du fameux tueur à l’origine du nom du film. En effet, si son look est bien travaillé entre ses yeux en forme de cœurs rouge sang lumineux et son masque tanné pour un effet sale du plus bel effet, le reste peine à convaincre. Ce croquemitaine manque d’épaisseur, de charisme et surtout d’un minimum de logique et de motivations. Son modus operandi basé sur les couples et les clichés romantiques aurait pu donner une relecture originale du genre avec un message bien senti sur la récupération commerciale de cette fête des amoureux. Mais il se contente d’empiler les cadavres sans trop savoir quoi faire d’autre. Résultat, les meurtres efficaces et plutôt jouissifs s’enchaînent, mais ne vont jamais plus loin qu’une dose d’hémoglobine destinée à satisfaire les amateurs de gore.
À l’écriture, on retrouve le très en vogue Christopher Landon, issu des productions Blumhouse, et réalisateur de Happy Birthdead, Freaky et dernièrement Drop Game. Spécialiste des films d’horreur à petit budget, son écriture peine malheureusement aussi à décoller. C’est tiède, trop prudent et au final trop sage pour un film qui se veut être une satire de deux genres et finit par n’être ni l’une ni l’autre. Pire encore, Landon semble vouloir réveiller le spectateur dans son dernier acte, mais se contente d’empiler les révélations abracadabrantesques au final assez ridicules. Résultat : le spectateur se retrouve davantage intéressé par les pérégrinations romantiques de son duo principal, aussi attachant que mignon. Une réussite, oui, mais un comble pour un film dont la tête d’affiche est un tueur en série. Heart Eyes n’est pas mauvais : il se révèle plutôt agréable et amusant et ne fait pas l’erreur de devenir interminable. Mais il sera tout aussi vite oublié et échoue à marier humour et horreur – un cocktail difficile à réussir. Le tout manque cruellement d’audace, et est à réserver paradoxalement aux amateurs de comédies romantiques qui sortent vraiment de l’ordinaire.