John Dies at the end : fantastiquement absurde
L’ouverture du PIFFF s’est faite en fanfare avec John dies at the end, le retour de Coscarelli aux commandes d’une comédie horrifique aussi cintrée que généreuse.
C’est peu dire qu’on attendait impatiemment le nouveau film de Don « Phantasm » Coscarelli. Le créateur de la saga Phantasm n’a pour ainsi dire rien tourné en dix ans, depuis son Bubba Ho-Tep plus précisément, à part un segment de Masters of Horror. Alors que les fans de son univers, toujours à la lisière entre onirisme poétique et fantastique pur, attendaient une séquelle de l’un et/ou de l’autre (celle de Bubba Ho-Tep, Curse of the she-vampires semble être en bonne voie), l’autodidacte californien a jeté son dévolu sur une saga feuilletonnante culte sur Internet, John dies at the end, créée par David Wong. Un univers foisonnant, cintré et en constante expansion, qui rendait d’autant plus compliqué le principe d’adaptation en un long-métrage d’à peine 1h40.
Aujourd’hui tout est permis
L’histoire de John dies at the end tourne autour d’une mystérieuse drogue circulant dans une petite ville américaine, surnommée la « Sauce Soja » (elle n’a pas goût de soja). Cette « Sauce » vous confère pendant un temps limité une perception exceptionnelle du monde qui vous entoure, vous permettant de voyager à travers l’espace et le temps… mais elle amène aussi ceux qui sont sous son emprise à apercevoir des créatures d’une dimension parallèle, invisibles à nos yeux. David est bien malgré lui accro à la « Sauce », et se retrouve avec son inséparable ami John à devoir empêcher une invasion en provenance d’une autre dimension. Seul problème, les deux slackers sont loin d’être assez motivés ou malins pour ça.
« Cette première heure ferait passer John dies at the end pour la comédie fantastique de l’année, mais le film se prend les pieds dans le tapis de l’explication à tout prix. »
C’est dans sa première heure que John dies at the end s’avère le plus jouissif et maîtrisé. Raconté à la manière d’un flash-back par David, qui s’adresse à un journaliste sceptique, cette histoire incroyable, ridicule, loufoque et terrifiante est mise en place sur les chapeaux de roue, chaque séquence introduisant successivement des éléments plus absurdes et imprévisibles les uns que les autres. Dans l’univers créé par David Wong (un pseudonyme utilisé par le journaliste web Jason Pargin), tout est permis, d’un dealer jamaïcain devisant sur le sens des rêves à un chien conducteur, d’une poignée de porte transformée en pénis à une drogue auto-mutante en passant par un monstre constitué de morceaux de viande (et dont la tête est – forcément – un poulet congelé). Et on ne parle même pas du John du titre, qui s’avère être un personnage secondaire à la fois mort et vivant, l’occasion de séquences de dialogues vertigineuses ressemblant à du David Lynch, ironie en sus.
David et John ont un chien
Cette étrangeté forcenée, cette volonté de jouer sur un constant décalage entre l’apparente complexité de l’intrigue et le détachement amusé des protagonistes (le film est parsemé de gags hénaurmes, mais jamais au détriment de la narration), fait dans ces deux premiers tiers du film plaisir à voir. D’abord parce qu’elle permet de retrouver intacte l’attirance de Coscarelli pour les univers parallèles, la notion de destinée et ce jeu unique sur les figures classiques du genre fantastique (le gars a toujours rêvé de réaliser une histoire de voyage dans le temps, il y parvient presque ici).
Mais aussi parce qu’elle se révèle être une denrée rare dans le genre, qui ose aujourd’hui rarement ce type de sorties de route à répétition, ce surréalisme old school qui permet d’apprécier une séquence où David parle à son hot dog ou subit les effets psychotroniques de la « Sauce Soja », sans pour autant que le film ressemble à la suite de Hé, mec, elle est où ma caisse ? Le côté feuilletonnant de l’histoire, qui accumule sans souffler personnages post-adolescents et sous-intrigues à base de monstres caoutchouteux et de mondes parallèles, a également un côté rafraichissant rappelant beaucoup les séries télé des années 90, Buffy contre les vampires et X-Files en particulier (enfin… surtout les épisodes les plus branques de X-Files, hein).
Une autre dimension
Cette première heure ferait passer John dies at the end pour la comédie fantastique de l’année, mais le film se prend les pieds dans le tapis de l’explication à tout prix, le récit devant trouver une forme de résolution qui n’est pas à la hauteur de ce qui précède – malgré un gag sur Eyes wide shut qui fait mouche. Le côté gonzo du film, tourné forcément en indépendant, s’accorde assez mal avec ce climax grandiloquent, et on sent alors que dans le processus d’adaptation, quelques pistes importantes ont été sacrifiées, au détriment de la cohérence générale de l’histoire. David et John (interprétés par deux inconnus convaincants) ont beau faire office de Bill et Ted de la quatrième dimension, ils n’en deviennent pas pour autant des personnages inoubliables et/ou iconiques.
Dans le genre trip fantastique rétro débordant d’idées folles et rappelant l’âge d’or des années 80 (de Re-Animator à Buckaroo Banzaï), John dies at the end demeure malgré tout hautement recommandable. Ne serait-ce que pour revoir dans un rôle savoureux (et sous-exploité) la trogne de Clancy Brown et apprécier le retour aux affaires d’un auteur trop rare sur les écrans.