Les évadés de Maze : prison, champ de bataille
La plus grande évasion qu’ait connu l’Irlande du Nord est relatée de manière efficace et réaliste dans le bien-nommé Les évadés de Maze.
L’atmosphère de quasi-guerre civile qui a marqué une bonne moitié du XXe siècle en Irlande du Nord continue d’être explorée dans tous ses sombres recoins par le cinéma. Avec Les évadés de Maze, présenté au dernier festival du film policier de Beaune avant sa sortie française en vidéo, c’est le versant caché de cette lutte brutale entre loyalistes et séparatistes, relatée dans des films comme Bloody Sunday et 71′. Le réalisateur Stephen Burke explore les coulisses d’un événement bien réel, l’évasion de la prison de Maze en 1983, qui avait pourtant été spécialement conçue pour les détenus issus des rangs de l’IRA. Réaliste, sans concession, le film se savoure étonnamment comme une version resserrée de La Grande évasion, divertissante et pleine de suspense, tout en explorant les dilemmes politiques et personnels qui agitent ses personnages principaux.
Les Évadés de Maze débute au lendemain d’une grève de la faim qui a traumatisé les rangs des activistes de l’IRA. Une dizaine de détenus succombe au cours de cet événement (relaté notamment dans le Hunger de Steve McQueen, où Michael Fassbender incarnait un Bobby Sands prêt à mourir pour la cause), ce qui laisse des marques sur l’un des leaders du mouvement indépendantiste, Larry Merley (Tom Vaughan-Lawlor, Daphné et plus récemment au casting vocal d’Avengers : Infinity War). Larry a flanché, il a préféré vivre battu en cellule que rejoindre ses camarades, qui estiment être des « prisonniers politiques », dans la mort. Cela ne l’empêche pas d’avoir des envies de revanche : pourquoi ne pas mettre la honte à la Couronne en organisant la plus audacieuse des évasions ? Son supérieur de l’IRA en prison, Oscar (Martin McCann, déjà dans 71′) ne l’entend toutefois pas de cette oreille. Ce « coup » politique est trop risqué. Qu’importe : Larry se rapproche de l’un des matons de Maze, Gordon (Barry Ward, Jimmy’s Hall), un dur à cuire qui vient d’échapper à une tentative d’assassinat sur sa famille, dans le but de trouver le plan idéal pour faire sortir un maximum de détenus en une seule fois…
Un plan simple ?
La guerre n’est pas qu’une question de champ de bataille, rappelle Les évadés de Maze. La prison, milieu maintes fois exploré au cinéma, est moins vue ici comme une impasse et un lieu de perdition, que comme un nouveau terrain d’engagement pour Larry et les siens. Le film décrit ainsi la lutte pas si larvée entre pro et anti-anglais, mélangés volontairement au sein de baraquements transformés pour l’occasion en poudrière permanente (c’est aussi le sujet du court-métrage 81 proposé en bonus sur le Blu-ray du film). Les décors, qui sont ceux de la véritable prison désaffectée de Cork et les costumes (une avalanche de pulls en laine atroces), se chargent de nous immerger rapidement et efficacement dans cette atmosphère de tension, que le malin Larry souhaite exacerber en ridiculisant un peu plus ses oppresseurs. Comment s’échapper d’un établissement labyrinthique dont toutes les cellules débouchent sur les loges des gardiens adeptes du matraquage ? Cette énigme, le scénario, qui s’avère pourtant très fidèle à la réalité des faits, y répond de manière un peu trop elliptique et mécanique, en sortant de sa manche des jokers miraculeux qui vont faciliter le plan de Larry et ses complices. Morceau de bravoure attendu, l’évasion proprement dite s’avèrera moins marquée par son côté minutieux que ses dérapages chaotiques, l’idée n’étant pas ici de multiplier les victimes, mais bien de faire entendre au gouvernement anglais la voix d’un mouvement qui refuse obstinément de rendre les armes.
S’il s’avère tout à fait prenant dans sa gestion des rebondissements liés à la promesse de son titre, Les évadés de Maze passionne plus finalement lorsqu’il explore les failles et les doutes de ses héros : prisonniers et matons souffrent ici de la même manière d’un conflit qui risque de tout leur coûter, et qui exige d’eux le respect d’un absurde sens du devoir. L’opposition secouante, vicieuse, mais teintée néanmoins de respect et de compréhension, entre Larry et Gordon, incarnés par deux acteurs au charisme complémentaire (froide détermination pour Vaughan-Lawlor, motivation teintée de morgue pour Ward), achève de donner du relief à cette reconstitution minutieuse et documentée d’un événement qui marqua l’Histoire politique du pays.