Love And Monsters : bienvenue à Apocalypseland
Aventure post-apocalyptique aux influences familières, Love And Monsters propose pourtant une échappée soignée et attachante.
S’il cartonne depuis sa sortie sur Netflix mi-avril, Love And Monsters est une production qui aurait pu, qui aurait dû connaître un autre sort. Produit par Paramount, le film de Michael Matthews (le western Five Fingers For Marseille, également visible sur la plateforme au N rouge) était programmé pour une sortie salles en 2020 que le Covid a tué dans l’œuf — comme tous les films Paramount, finalement. Relégué en VOD outre-Atlantique, Love And Monsters bénéficie donc chez nous d’une sortie Netflix finalement idéale pour le public cible de cette aventure post-apocalyptique qui ne se prend jamais trop au sérieux.
L’amour du risque
Pour ne pas perdre de temps et prendre par la main le spectateur distrait par la cuisson de son pop-corn, Love And Monsters s’ouvre sur une séquence « griffonnée » en voix off, qui résume en quelques minutes le postulat de base : l’humanité a envoyé une batterie de missiles dans l’espace pour détruire un astéroïde qui menaçait de s’écraser sur Terre, mais s’est faite piéger par les retombées radioactives de ses armes. La planète s’est transformée en surface irradiée peuplée d’insectes, batraciens, d’araignées et autres gastéropodes dopés aux atomes, qui se font une joie d’exterminer les humains (qui bizarrement n’ont pas vu leur taille multipliée par 100, eux). Des années plus tard, les survivants vivent sous terre, à l’abri du danger qui prolifère à la surface. Notre narrateur, Joel (le trentenaire juvénile Dylan O’Brien, réchappé de la saga Le Labyrinthe) habite dans l’un de ces bunkers de fortune. Plutôt pleutre de nature — mais il y a une raison à ça —, Joel est un peu le maillon faible de sa colonie, mais aussi un cœur d’artichaut, qui s’est persuadé que son amour de jeunesse, Aimee (Jessica Henwick), réfugiée à 130 km de là, ne l’a pas oublié. La suite, on la pressent : obsédé par la quête d’un être aimé, Joel décide de quitter l’abri pour un voyage suicidaire vers sa promise. Un sacré bestiaire et quelques surprises, bonnes ou mauvaises, l’attendent sur la route…
« Le film n’a pas à rougir de sa nomination à l’Oscar des Effets Spéciaux. »
Si en découvrant Love And Monsters dans le confort de votre canapé, un parfum de déjà-vu vous envahit, c’est normal : le scénario de Brian Duffield et Matthew Robinson, en plus d’évoquer des dizaines de jeux vidéo post-apo « végétalisés » à base de créatures géantes (Fallout, Earth Defense Force, Horizon Zero Dawn et on en passe), n’est ni plus ni ou moins qu’une variation monstrueuse du premier Bienvenue à Zombieland. Plus beau gosse romantique que nerd fragile, O’Brien n’en est pas moins l’alter ego de Jesse Eisenberg, narrateur envahissant qui troque son règlement anti-zombies contre un carnet de monstres dessiné avec amour. Joel tombe également dans son périple sur un attachant duo de survivalistes « père / fille », l’occasion pour ce bon vieux Michael Rooker de jouer les Woody Harrelson de la forêt. Ce décalque gênant se double d’une sensation troublante d’avoir affaire à un retour inavoué des productions young adult fantastiques à la Hunger Games (ou Labyrinthe, tiens), même si le film se retient de nous infliger un proverbial triangle amoureux.
All you need is love… and good monsters
Et malgré tout. Malgré tout, Love And Monsters sait nous charmer en soignant son bestiaire numérique (le film n’a pas à rougir de sa nomination à l’Oscar des Effets Spéciaux), à base d’escargots géants, de crabe vindicatif, ou de ver souterrain pistant sa proie en tranchant le sol avec un aileron. Fantaisistes, cartoonesques, ces morceaux de bravoure dynamisent allégrement un récit pour le moins linéaire, aux rebondissements écrits à l’avance et aux leçons de vie gentillettes, mais suffisamment bien huilé pour que le déjà-vu n’empiète pas sur le plaisir du divertissement. Nosu restons frustrés de côtoyer si peu le duo Clyde / Minnow, nous tremblons pour le chien qui décide d’accompagner Joel dans son périple, on est même surpris devant la réussite d’un intermède nocturne mélancolique et robotique, durant lequel se confirme la richesse de la photo de Laclan Milne (Minari, à la poursuite de Ricky Baker). Sans être révolutionnaire, enfin, le parcours initiatique de Joel, un brave gars qui surmonte ses peurs et ses traumatismes grâce à l’entraide, un peu de jugeote et quelques blessures sentimentales, vise juste. La post-apocalypse de Love And Monsters reste bien gentille (excepté durant les premières minutes très Règne du Feu dans l’esprit), l’aventure rapidement emballée en laissant la porte ouverte à d’inévitables suites. Que du réchauffé, en somme, et personne n’en est dupe. Mais qu’importe : le film permet, comme le fait Joel, de s’évader et de découvrir un univers foisonnant, inspiré et riche de détails, qui ne demande qu’à s’étendre avec un peu plus d’audace dans les années qui viennent.