Monster Hunter : une abrutissante partie de chasse
Après Resident Evil, Paul WS Anderson s’attaque au jeu vidéo Monster Hunter, de manière plus fidèle, mais tout aussi indigeste.
De la même manière qu’un Justin Lin est pratiquement condamné à tourner des Fast & Furious et Olivier Marshal des films de flics qui souffrent, Paul W.S. Anderson semble être contractuellement attiré par les adaptations de jeu vidéo au cinéma. Celui qui à 29 ans a connu son premier succès avec Mortal Kombat a ensuite réalisé pas moins de quatre Resident Evil : des adaptations flinguées du ciboulot qui s’éloignaient à chaque épisode un peu plus de l’ambiance des jeux pour se vautrer dans le CGI-porn le plus indigeste. Pas étonnant que même les films « historiques » d’Anderson comme Pompéi et Les trois mousquetaires ressemblent à des défouloirs vidéoludiques dopés à la coke. Comme Uwe Boll, l’ami Paul n’aime pas que le spectateur s’ennuie et s’il faut pour le maintenir éveillé jeter aux orties la notion de valeur de plan et de montage équilibré, ainsi soit-il.
C’est ce constat qui nous revient à l’esprit en découvrant Monster Hunter, « portage » sur grand écran d’une franchise ludique dont le succès est colossal en Asie. Une série de jeux en monde ouvert basés sur un principe simple : traquer et mettre à terre des monstres aussi variés que gigantesques et belliqueux, tout seul ou en groupe, à l’aide d’armes artisanales démesurément grandes et létales. Moi chasse, moi tue. Difficile de faire plus basique, plus désossé en termes de narration. Qu’à cela ne tienne : Monster Hunter, le film, invente de toutes pièces une histoire de mondes parallèles, parfaite pour introduire un personnage extérieur dans cet univers de fantasy.
Capitaine Milla au rapport
Dans notre réalité, le capitaine Artemis (Milla Jovovich, toujours iconisée par son mari comme une action star plus virile que les plus virils de ses partenaires) commande une escouade partie dans le désert à la recherche de soldats disparus. Boum : une tempête électrique à la Mad Max Fury Road propulse tout ce petit monde dans un monde parallèle, peuplé de monstres, de bateaux volants, d’oasis luxuriantes et de tours ténébreuses. Un monde de jeu vidéo, donc. En moins de temps qu’il n’en faut pour hurler « Pitch Black ! », le bataillon est décimé par des insectoïdes venus des profondeurs (et un colosse cornu lézardeux surnommé « Diablos »). Seule survit Artemis, qui ne doit son salut qu’aux flèches du « Chasseur », joué par Tony Jaa.
« Monster Hunter choisit le surrégime, du premier au dernier plan. »
Oui, la star d’Ong Bak, qui continue de se bâtir une carrière internationale avec ce rôle aussi physique qu’ingrat. Tony court beaucoup, tape sur Milla avant de manger des barres chocolatées (coucou l’hommage déplacé au gag déjà pas glorieux de Stargate, autre référence amplement pillée) et ne comprend rien à l’anglais baragouiné par sa partenaire. Autant dire que l’interaction se limite au concours de qui a la plus grosse épée, au moins jusqu’à ce que l’action décide d’avancer vers un troisième acte bruyant et précipité, dans lequel réapparaît, dans le rôle de l’Amiral, un Ron Perlman perruqué et maquillé de manière TRÈS déconcertante. Oh : et il y a un dragon, évidemment.
Les aventuriers de la migraine perdue
De l’adaptation d’un jeu d’action aux monstres impressionnants, on ne pouvait décemment attendre autre chose qu’un film d’action aux streums imposants. Même si son budget n’atteint pas celui d’un Godzilla VS Kong, Monster Hunter n’a pas à rougir de ce côté-là. Les Diablos, dragons et bestioles diverses qui détruisent toutes les deux minutes décor et casting sont convaincants, la mythologie des jeux plutôt respectée (« y a le chat cuistot ! » diront les fans) et le soin apporté à certains money shots (à peu près tous visibles dans la bande-annonce) agit de manière visible sur le standing du film, plus « épuré » et de bon goût visuellement que beaucoup de précédentes atrocités du réalisateur. Il n’en reste pas moins qu’Anderson continue d’être à l’art du montage ce que les ouvriers en bâtiment sont à la sculpture classique : un sagouin ignorant.
Bruyant, bêta et bourrin, Monster Hunter est un exemple supplémentaire de la déliquescence artistique des blockbusters modernes. Pas foutu de filmer ne serait-ce qu’un dialogue sans surdécouper l’action, Anderson assène une véritable déflagration sensitive à nos yeux rougis par la fatigue. Pas un plan ne dure plus de trois secondes, pas une séquence ne semble être montée autrement que comme une bande-annonce, frénétiquement et sans recul sur la logique narrative. Plutôt qu’une absence de rythme, Monster Hunter choisit le surrégime, du premier au dernier plan (immonde kitscherie promettant tant bien que mal un prochain épisode). On ne s’ennuie pas, certes, mais au vu du mal de crâne provoqué par ce bordel kinétique insensé, lesté par le jeu toujours aussi « concerné », de Jovovich, on aurait sans doute préféré.