Durant un mois de mai qui aura été marqué par la triste (mais prévisible) fermeture d’une des principales chaînes de magasins culturels française, les éditeurs n’ont eux pas chômé pour nous faire découvrir, à grands renforts de publicité, des titres qui n’ont depuis longtemps plus leur place dans les multiplexes et salles de provinces, mais s’il faut pour cela passer parfois par la case du retitrage ou du reliftage d’affiche. Car souvent dans notre sélection Pas vu au ciné, les stars sont rares, les contrées d’origine des films exotiques aux yeux du consommateur (pardon, du spectateur) lambda. Alors on joue sur les mots-clés, sur le rapprochement avec les grands succès du grand écran. C’est de bonne guerre. Il faut bien ça pour exister dans la jungle numérique qu’est devenue le marché de la vidéo, où l’amateur de cinéma non averti avance souvent comme un petit enfant dans le noir.

Tout ça pour dire que la sélection est ce mois-ci assez riche pour qu’on vous en mette un peu de côté (on reparlera ainsi bientôt de White Tiger, étrange « film de tank » russe), et que l’on parte, ça commence à être une tradition, en voyage express autour du monde. Indonésie, Espagne, Angleterre, Norvège… voilà quelques-unes des destinations proposées ci-dessous, dans des genres eux aussi on ne peut plus différents. Des titres en tout cas à découvrir aussi bien sur votre platine Blu-Ray que sur le portail de vidéo-à-la-demande-mais-faut-pas-être-pressé de votre télé. Bonne lecture… et bonne chasse !


Pas vu au ciné : la sélection DTV de maiDagmar, l’âme des vikings

Un film de Roar Uthaug, avec Ingrid Bolso Berdal, Kristian Espedal

Sorti le 15 mai – M6 Video

Genre : survival médiéval

Est-ce pour surfer sur le buzz récent autour de la série Vikings d’History Channel (bientôt sur Canal+) ou pour échapper à la traduction littérale du titre original (Flukt, soit « évasion » en français) ? Toujours est-il que le nouveau film du norvégien Roar Uthaug s’appelle chez nous Dagmar, l’âme des vikings, un titre qui a au moins bon sur un point (la dénommée Dagmar est effectivement un peu l’âme du film), mais qui ne parle hélas pour vous pas de vikings. Pas de guerrier bourru vénérant Odin dans Dagmar, mais quelques paysans devant échapper à des bandits de grands chemins dans la campagne moyenâgeuse de Norvège. La troupe de brigands, menée par la virile Dagmar (Ingrid Bolso Berdal, sacrément décolorée), fait lors d’un ses raids une prisonnière, Signe, dont ils trucident le reste de la famille. Dagmar, sous ses airs impitoyables, est une mère meurtrie qui a envie d’élever Signe comme sa fille, mais cette dernière n’a qu’une envie : s’enfuir, et pourquoi pas aussi se venger. Voilà qui est clair. En 75 petites minutes, le réalisateur du très efficace slasher neigeux Cold Prey nous embarque dans une traque haletante dans des paysages grandioses, suivant une formule qui rappelle beaucoup le récent War of the arrows. Pas de digression, pas de retournement de situation, peu de dialogues : Dagmar fait parler les épées et les flèches sans jamais dévier de son simpliste pitch de départ, quitte à sacrifier quelque peu ses personnages – seule Dagmar se voit accorder une certaine profondeur. C’est à la fois frustrant et respectable, vu le soin qu’apporte Uthaug à sa mise en scène, élégante et précise, et à sa bande-son, évoquant plus d’une fois Howard Shore. L’aventure, brève, vaut malgré tout le détour.

Pas vu au ciné : la sélection DTV de maiExtracted

Un film de Nir Paniry, avec Sasha Roiz, Jenny Mollen

Sorti le 7 mai – Emylia

Genre : Inception-like

Avec un budget sans doute deux cent fois inférieur à Christopher Nolan, le scénariste et réalisateur américain Nir Paniry signe avec Extracted une variation étonnante sur le même thème qu’Inception. Les ressemblances ne s’arrêtent pas aux titres, parfaits antonymes : Extracted parle lui aussi de voyages physiques à l’intérieur du cerveau humain, à ceci près qu’il ne s’agit pas d’implanter une idée, mais d’extraire un souvenir. Une preuve irréfutable, que le savant Thomas Jacobs (Sacha Roiz, vu dans Grimm et Caprica), inventeur brillant, part chercher dans la tête d’un criminel condamné pour meurtre. Manque de pot, il y reste psychiquement coincé, et le film se transforme alors en Aventure intérieure cérébrale, lorsque le dit meurtrier le rencontre dans sa propre mémoire. Farfelu ? À le lire peut-être, mais Paniry traite son sujet avec un sérieux inébranlable, et s’appuie intelligemment sur le côté dramatique et émotionnel de l’histoire d’un homme resté coincé 4 ans loin de sa famille. La quête du souvenir perdu donne une allure de série noire SF à Extracted, les SFX coûteux étant remplacés par de simples astuces de montage. Un bel exemple de production indé compensant son manque de moyens par un scénario parfaitement huilé et une foi absolue dans l’univers qu’elle bâtit.

Pas vu au ciné : la sélection DTV de maiPusher

Un film de Luis Prieto, avec Richard Coyle, Bronson Webb

Sorti le 29 mai – Wild Side vidéo

Genre : remake technoïde

De manière assez curieuse, Nicolas Winding Refn s’est associé sans aucune réserve aux producteurs de cette relecture british de son premier coup d’éclat, Pusher. Comme il le révèle dans les bonus de l’édition concoctée par Wild Side, NWR jugeait possible de donner un coup de jeune à un film qui s’était conçu au milieu des années 90 avec peu de budget, un réalisateur inexpérimenté et des acteurs encore en devenir. Forcément, cette nouvelle version signée Luis Prieto, avec sa bande-son techno signée Orbital, et son casting glamour (Richard Coyle, vu récemment dans Grabbers, forme un couple assez incandescent avec la top model Agyness Deyn), met sans problème son modèle underground à l’amende, techniquement parlant. Le problème vient plus ici du manque d’ambition du scénario, qui se contente de reprendre point par point (voire plan par plan) l’intrigue du film original, sans s’interroger sur l’héritage de la saga elle-même, mainte fois copiée – notamment par les cinéastes anglais – mais dont l’énergie punk et l’amoralité brute de décoffrage ont rarement été égalées. Du coup, malgré ses qualités réelles, un emballage décent et le retour du cabotin Zlatko Burik dans le rôle de Milo, Pusher version 2012 prend un coup de vieux instantané, et s’avère tout à fait redondant pour celui qui aura déjà révisé la filmo du Danois violent.

Pas vu au ciné : la sélection DTV de maiThe End

Un film de Jorge Torregrossa, avec Maribel Verdu, Antonio Garrido

Sorti le 13 mai – Seven7

Genre : apocalypse où ?

C’est bien connu, les cinéastes espagnols ne manquent pas d’idées, ni d’ambitions (de moyens c’est peut-être un peu plus le cas récemment). Dans The End, le réalisateur Jorge Torregrossa, après avoir fait ses armes à la télévision, imagine carrément pour son premier long une histoire de fin du monde. Mais attention : malgré des premiers teasers qui promettaient une atmosphère apocalyptique, la fin des temps concoctée par l’Ibère se fait de manière feutrée, en mode Quatrième dimension éco-friendly. Plus clairement : le scénario se concentre sur une poignée d’amis, de gentils quadras un poil égoïstes qui partent se retrancher dans le chalet de leur adolescence en Catalogne pour nous rejouer Les petits mouchoirs. Après quarante minutes d’amabilités et de piques verbales, les membres du petit groupe commencent à disparaître un par un. Les animaux deviennent fous, le téléphone est HS, même les étoiles dégagent… Bref, c’est la fin, et loin de parvenir à une explication, le film s’enferme dans une routine monotone, sur le principe du « je sors du cadre, je disparais ». Comme souvent (voire toujours) en Espagne, le film bénéficie d’une photo splendide, d’acteurs sexy et convaincants, et certaines scènes comme la charge animale à flanc de falaise parviennent à conjuguer surprise et suspense de belle manière. Mais avec sa morale vaporeuse, son rythme languissant et son petit côté donneur de leçons prenant de haut le genre qu’il s’est choisi, The End rate le coche, de manière assez frustrante.

Pas vu au ciné : la sélection DTV de maiDead Mine

Un film de Steven Shell, avec Miki Mizuno, Joe Taslim

Sorti le 15 mai – Wild Side

Genre : horreur

Dead Mine restera dans l’histoire comme la première production mise sur pied par la branche Asie de HBO. Pour le reste, c’est plus difficile à dire : bien qu’il soit indonésien, le film est réalisé par Steven Shell, apparu sur tous les radars des fans d’horreur intransigeante avec son débrouillard et bien glauque Mum & Dad, produit pour une bouchée de pain dans son Angleterre natale. Le déménagement vers l’Est a peut-être été plus compliqué que prévu, car il est difficile dans Dead Mine de déceler l’esprit incorrect et frondeur du cinéaste. Une exposition assez bancale nous plonge en pleine chasse au bunker dans la jungle, avec quelques chercheurs aux objectifs mystérieux et une escouade de mercenaires bientôt obligés de se réfugier dans le dit bunker, vestige de la Seconde Guerre Mondiale, remplis de secrets dont certains font penser très fort à The Descent. Menaçant à tout moment de devenir, comme Crawlspace un film de couloirs routiniers, Dead Mine trouve malgré tout sa raison d’être en fin de parcours, lorsque débarque une armée de samouraï zombies tous droit sortis d’un bis des eighties. À eux de décimer à la pointe du sabre un casting assez peu charismatique, à l’exception du solide Joe Taslim (The Raid) et de faire passer l’arrière-gout de série Z qui plane sur tout le projet. Une dimension renforcée par un fin en queue de poisson aussi plate qu’insultante pour le spectateur.

Retrouvez la sélection Pas Vu au Ciné de Mai 2013 sur Amazon