Post Mortem : l’invasion des possédés
Les mauvais esprits abondent dans le Hongrois Post Mortem, film de village hanté aussi « exotique » que confus et maladroit.
La Hongrie n’est pas exactement la destination cinématographique la plus recherchée pour dénicher un film fantastique, même si de jeunes talents tentent de s’y faire connaître malgré un contexte politique peu propice à l’épanouissement culturel. Mais comme souvent, le film de genre peut être une porte d’entrée pour découvrir une culture, une langue et une approche des codes narratifs qui nous sont étrangères. Et c’est ce parfum d’inconnu qui constitue une bonne part de l’attrait de Post Mortem, long-métrage de Peter Bergendy s’étant fait connaître de ce côté-ci de l’Europe après une sélection à l’édition numérique du BIFFF 2021 puis au festival de Gérardmer. L’excitante bande-annonce laissait alors entrevoir une ambiance d’horreur pastorale évoquant les films A24 (The VVitch en premier lieu) et une flopée de plans marquants de possession qui en appelaient au style choc et assuré de James Wan. Le résultat, qui a ses moments, ne se montre malheureusement pas à la hauteur de cette promotion efficace.
Champ de bataille spectral
Le contexte historique et narratif de Post Mortem demeure pourtant passionnant : le film nous embarque dans la Hongrie rurale de l’après-Première Guerre Mondiale. Un paysage bucolique et décimé par la grippe espagnole dans lequel persistent des coutumes étranges, comme la photographie post-mortem. Cet « art » apparu au 19e siècle avec l’essor de la photographie consiste à faire poser les cadavres en tenue d’apparat pour un ultime cliché en famille. Un art glauque qui s’expliquait par la dureté de l’époque (guerres, épidémies) et déjà entrevu dans le macabre film russe The Bride, qui constitue le gagne-pain de notre héros Tomas, ancien soldat traumatisé par les combats mais fasciné malgré tout par la mort, venu exercer ses talents dans un village reculé du pays où les corps de malades s’empilent. Dans ce bourg fait de chaumières blanchâtres et spartiates, où la terre est trop gelée pour creuser des tombes, les esprits des morts viennent pour lui posséder et bousculer les vivants. Bientôt, Tomas se rend à l’évidence : c’est tout le village qui est hanté, et les mauvais esprits en question sont aussi impitoyables que bruyants dans leur quête de destruction…
« Bergendy intrigue, même si un tel sujet appelait un traitement plus atmosphérique, plus évocateur et malaimable. »
Le décor « exotique » et le contexte opaque dans lequel se déroule Post Mortem contribuent pour beaucoup à l’aura de mystère qui plane dans sa première partie sur le film. Bergendy intrigue, c’est un fait, même si un tel sujet appelait un traitement plus atmosphérique encore, plus évocateur et malaimable. Ce côté terre-à-terre, cadré en plan large ou en champ contre-champ basique, banalise une ambiance pourtant tout ce qu’il y a de plus extraordinaire. Comme dans tout bon film de spectres, le rapport à l’au-delà est assujetti aux particularismes culturels du pays. Post Mortem étonne alors avec ses possédés ballottés dans tous les sens par des forces invisibles, plaqués au plafond, dans la cheminée ou trainés par terre à travers le poulailler, alors que leurs camarades tentent en vain de les retenir. C’est étrange, parfois effrayant mais aussi involontairement drôle dans son effet de répétition. Confus, bavard, le scénario n’aide pas non plus à garder son sérieux, Bergendy s’appliquant surtout à soigner ses jump scares, ses maquillages décatis et des effets numériques à base de fumée noirâtre et de « quatrième dimension » charbonneuse. Il y a de l’ambition, surtout dans le climax, mais aussi beaucoup de maladresse dans Post Mortem, jusqu’à une imbitable fin ouverte promettant sans trop y croire d’autres chasses aux fantômes dans cette Hongrie meurtrie par l’Histoire.