Séance de rattrapage : Kill

par | 17 novembre 2025

Séance de rattrapage : Kill

Vendu autour de sa réputation de John Wick dans un train, Kill répond avec zèle aux attentes d’un public en mâle de carnage démonstratif.

S’il n’est pas le premier long-métrage à porter ce titre en forme d’ultimatum et d’ode à la violence originelle, Kill sonne comme un mot d’ordre. Une promesse macabre pour les fans d’action alléchés par l’odeur du sang, et sur la ligne de départ pour tenir à jour le bodycount de la machine à tuer qui sert de héros. Car que peut-on s’attendre à voir d’autre en lançant un film au pitch droit comme un rail (un membre des forces spéciales s’oppose à un gang prenant le contrôle d’un train de campagne, et pète une durite quand ils s’en prennent à sa dulcinée), au titre sec comme le bruit d’un os plié en deux, et à la réputation de « John Wick indien » d’ailleurs distribué aux USA par les mêmes producteurs ? Il y a bien un peu d’histoire, un peu d’opposition de caractères, une forme de message sur le cercle infernal, inéluctable et désespérant que la violence enclenche. Tuer est une pulsion animale, un besoin à assouvir sans espoir d’être raisonné dans Kill. Mais il faut bien admettre que cette dimension presque existentielle du scénario est ensevelie, à grande vitesse, sous les tombereaux de cadavres qui s’entassent dans le train où se déroule l’action.

Il tue à tous les coups

Séance de rattrapage : Kill

Le film de Nikhil Nagesh Bhat trouve sa raison d’être dans la façon, graphique et inventive, dont Amrit (le nouveau venu Laksh Lalwani, éphèbe musculeux dont le torse a plus de nuances que son visage) démembre et dépèce le gang qui envahit son train de nuit vers New Delhi. À l’image des confrères coréens et indonésiens qui lui servent sûrement de modèle, Kill utilise un concept fort – au bout de 10 minutes, l’action s’installe dans le train-couchette pour ne plus le quitter – pour dérouler une suite de combats dont l’invraisemblance et la férocité renvoient Steven Seagal et son Piège à grande vitesse à ses chères études. Motivés, comme tout bon héros indien à la pilosité savamment entretenue, par un sens aigu de la justice, Amrit et son camarade de chambrée s’opposent aux brigands armés de machettes, dont les objectifs sont aussi flous que leurs manières sont brutales. Mais l’affaire prend un tour personnel quand, à mi-parcours, Amrit s’avère impuissant à garder sa fiancée saine et sauve. C’est à ce moment que le titre du film s’affiche enfin à l’écran ! Comme si un panneau lumineux s’était soudain affiché dans le cerveau du héros, à la manière d’un Terminator à peau humaine : tue-les. Tue-les tous !

« Kill devient absurde, au point qu’Amrit ressemble plus à un sinistre ange de la mort qu’à un justicier au cœur noble. »

S’il ne peut s’extraire d’une certaine routine, la faute à un décor longiligne qui autorise peu de variations et offre toujours la même profondeur de champ – une rangée qui s’enfuit vers la prochaine porte de wagon – Nagesh Bhat s’amuse bien avec ce concept de huis clos roulant de l’extrême. Le train est exploité du toit aux toilettes, et la dimension exiguë des wagons impacte immédiatement la chorégraphie des combats. Ces derniers jouent sur l’impact entre les corps et les divers rideaux, portes, barres en métal et banquettes qui se mettent en travers du chemin. Indéniablement, Kill est généreux en la matière, au point qu’on en oublie la topographie des lieux et les intrigues politiques et familiales qui tentent d’exister dans ce déferlement d’affrontements ultra-gore. Amrit tue, et tue encore… 

L’originalité est plus à chercher dans la manière dont le film nous fait comprendre que ses méchants preneurs d’otages sont une seule grande famille, terrifiée à la vision de ses proches disparaissant les uns après les autres dans une gerbe de sang. Kill en devient absurde, au point qu’Amrit ressemble plus à un sinistre ange de la mort, quasi indestructible (la moindre de ses blessures vous enverrait à l’hôpital pour un an) qu’à un justicier au cœur noble. Le final esquisse un début de remise en cause sur la futilité de toute cette violence. Mais il est peu probable que ce soit ce souvenir qui reste en mémoire après une telle démonstration. Et Nikhil Nagesh Bhat est le premier à le savoir.