Sleeping Dogs : le crime était presque oublié

Enquête menée par un flic à la mémoire défaillante, Sleeping Dogs se révèle être un polar classique, mais solide porté par Russell Crowe.
Autrefois scénariste habitué aux fresques épiques comme Exodus: Gods and Kings de Ridley Scott ou Assassin’s Creed, Adam Cooper passe pour la première fois derrière la caméra pour les besoins de Sleeping Dogs. Il délaisse les grands spectacles pour s’attaquer ici au thriller psychologique, battant pavillon australien. Le film est l’adaptation d’un best-seller qui promettait un suspense dans la lignée de Memento. Le principal atout du long-métrage est sans conteste son prestigieux casting. Russell Crowe, dans la peau d’un enquêteur brisé, livre ici une partition classique et efficace, aux côtés de Karen Gillan (The Mirror, la saga des Gardiens de la Galaxie) et Tommy Flanagan (Sons of Anarchy), que Crowe recroise 24 ans après Gladiator. Cette distribution solide sert de fondation à l’adaptation de Jeux de miroirs d’Eugen Ovidiu Chirovici, un best-seller vendu à plus de 400 000 exemplaires dans le monde.
Souvenirs meurtriers

L’intrigue, bien que s’appuyant sur une structure d’enquête solide, laisse assez vite deviner où elle veut nous emmener. L’inspecteur Ray Freeman (Russell Cowe) souffre d’Alzheimer, et suit un traitement visant à lui faire recouvrer ses souvenirs. L’une des préconisations de ses médecins est de faire des exercices de mémoire pour raviver les cellules endommagées. C’est à ce moment qu’une affaire vieille de dix ans refait surface : le meurtre du professeur Joseph Wieder. Une enquête résolue par un aveu qui semblait simple, mais qui s’avère en réalité plus complexe qu’il n’y parait, chaque personnage gravitant dans cette affaire se révélant plus trouble l’un que l’autre…
« La maladie d’Alzheimer est parfois davantage un artifice scénaristique qu’un enjeu dramaturgique digne de ce nom. »
Contrairement à des films utilisant ce concept de mémoire défaillante comme Memento de Christopher Nolan, Vengeance de Johnnie To, Mémoire meurtrière avec Liam Neeson, ou Cortex de Nicolas Boukhrief, où la perte de mémoire remet en question l’intérêt même de poursuivre l’enquête à mesure que les motivations se dissolvent, ici Ray Freeman retrouve peu à peu ses souvenirs de façon très linéaire. La maladie d’Alzheimer est parfois davantage un artifice scénaristique qu’un enjeu dramaturgique digne de ce nom. Et on a plutôt l’impression que Freeman émerge d’un black-out de dix ans et non qu’il souffre d’une lente, mais inéluctable dégradation de la mémoire.
La réalisation, discrète, se contente le plus souvent d’accompagner le récit, hormis quelques plans tournés avec des focales courtes qui renforcent, par moment, la désorientation de Ray. Comme on peut s’y attendre, le récit est aussi parsemé de flash-back qui s’empilent au fur et à mesure que les souvenirs du personnage de Russell Crowe remontent à la surface. Cela dit, Adam Cooper tient sa promesse d’un thriller fluide et rythmé. Les interrogatoires tendus, les personnages secondaires aux intentions troubles, et une résolution appliquée qui boucle tous les arcs narratifs assurent au spectateur une enquête qui se suit avec intérêt et ne déçoit pas. On est loin d’une révolution du genre et plutôt dans un gentil suspense du samedi soir, mais Sleeping Dogs reste un polar solide, efficace et porté par un Russell Crowe impliqué qui, comme souvent, justifie à lui seul le visionnage.