Swipe : un biopic aussi lisse que convenu

Porté par une Lily James impeccable, Swipe est un biopic qui ne fait qu’effleurer la richesse et la pertinence de son sujet. Dommage !
Faisant partie des titres phares de la rentrée sur Disney+, Swipe est la nouvelle réalisation de Rachel Goldenberg, qui s’était jusque-là en majorité illustrée sur des téléfilms. Pour son premier gros projet pour une plateforme de premier plan, elle raconte l’histoire de Whitney Wolfe (l’anglaise Lily James, connue et reconnue notamment pour Cendrillon, Baby Driver et plus récemment Pam & Tommy) fondatrice des applis de rencontres Tinder puis Bumble, devenue milliardaire en s’imposant dans un milieu professionnel masculin toxique.
La première scène, via un montage dynamique qui sera la marque de fabrique du long-métrage, plonge son spectateur dans le vif du sujet : la vie de Whitney, qui via des moyens assez chaotiques, court les soirées business remplies d’hommes qui en grande majorité la voient comme une jolie fille payée pour animer la soirée. Son but à ce moment-là est de vendre son projet d’application humanitaire, mais après une rencontre digne d’un American Dream moqueur, Whitney se retrouve propulsée responsable marketing d’une startup travaillant notamment sur des applications de dating. Très rapidement, Whitney gère et crée tout, au milieu d’hommes incompétents au mieux, toxiques au pire…
The Scolaire Network

Le spectateur comprend immédiatement le chemin que va emprunter Swipe : l’ascension contrariée d’une femme brillante dans un milieu qui ne veut pas d’elle. Si ce principe, qui a fait ses preuves, fait que l’efficacité est au rendez-vous, on a rapidement le sentiment d’assister à une démonstration scolaire, calibrée pour un public qui n’aime pas être bousculé. En effet, si Swipe montre une Whitney qui n’hésite pas à prendre des risques, le film lui n’en prend malheureusement aucun et s’enferme dans une narration propre et calibrée. Chaque scène ressemble à une étape cochée sur une liste préétablie dans un cahier des charges tiède. Ce développement ne laisse jamais place à la complexité ni à la surprise.
« Derrière cette efficacité apparente, il manque une profondeur, une âme qui transcenderait le parcours de l’héroïne pour en faire un véritable cri féministe. »
Le montage, quoique classique, assure un rythme soutenu qui permet au film de se regarder sans ennui. Les séquences s’enchaînent avec dynamisme et la mise en scène sait éviter les longueurs. Mais derrière cette efficacité apparente, il manque une profondeur, une âme qui transcenderait le parcours de l’héroïne pour en faire un véritable cri féministe. Car c’est bien là que le bât blesse : vu son sujet, Swipe aurait pu, aurait dû être un brûlot sur la difficulté des femmes à se faire une place dans des milieux verrouillés par les hommes. Le sujet est passionnant et terriblement actuel. Malheureusement, Rachel Goldenberg se contente d’effleurer cette thématique sans jamais l’exploiter pleinement. Tout est ramené à des oppositions binaires, caricaturales, le scénario préférant se concentrer sur une histoire d’amour contrariée et toxique plutôt que sur le véritable combat de Whitney.
Heureusement, il y a Lily

Le problème est renforcé par des personnages beaucoup trop stéréotypés pour être intéressants, qui semblent sortis d’un manuel d’écriture au point de faire oublier qu’ils sont basés sur des personnes qui existent vraiment. Même l’héroïne, pourtant incarnée par une Lily James charismatique, reste prisonnière d’un cadre qui ne lui permet pas de déployer toutes ses nuances. L’actrice, qui porte le projet sur ses épaules, demeure impeccable de bout en bout, et illumine littéralement chaque scène, donnant une crédibilité à ses répliques les plus convenues et parvenant à créer un minimum d’attachement.
En définitive, Swipe n’est pas un mauvais biopic : il se regarde sans effort, est correctement monté, et il peut séduire par sa fluidité et sa clarté. Mais le long-métrage est trop sage pour marquer les esprits. À vouloir éviter de froisser qui que ce soit, il se prive de la force que son sujet méritait. Là où le spectateur était en droit d’attendre une œuvre offensive et courageuse, il se retrouve face à un récit poli, lisse et sans danger.