The Artifice Girl : quand la SF parle bas, mais frappe fort

par | 21 octobre 2025

The Artifice Girl : quand la SF parle bas, mais frappe fort

Huis-clos à petit budget mais aux grandes ambitions, The Artifice Girl explore les thèmes liés à l’IA, pour un résultat glaçant et bien construit.

Daté de 2022 et salué dans de nombreux festivals The Artifice Girl fait son arrivée en France grâce à Shadowz. Et le long-métrage de Franklin Ritch est la démonstration parfaite qu’un film de science-fiction n’a pas besoin de vaisseaux spatiaux, d’effets spéciaux tape-à-l’œil ou de décors futuristes pour captiver et interroger. Avec ses trois actes se déroulant dans des décors minimalistes et un casting limité à l’essentiel, le réalisateur (également acteur) livre un presque huis-clos étonnamment dense. Une œuvre qui fait émerger une réflexion profonde sur la conscience artificielle et la frontière de plus en plus floue entre programmation et libre arbitre.

The Artifice Girl ne perd d’ailleurs pas de temps pour installer un climat de tension feutrée. À travers les échanges entre deux enquêteurs et un suspect installés dans une salle d’interrogatoire sans fioriture, le film mise tout sur la parole. Ce choix motivé par des contraintes budgétaires évidentes s’avère paradoxalement l’un de ses grands atouts. En supprimant les artifices qui pourraient distraire notre attention, il concentre toute son énergie sur son propos et celui-ci est redoutablement bien construit.

Le jour où l’IA nous dépassera

The Artifice Girl : quand la SF parle bas, mais frappe fort

Découpé en trois parties distinctes, chacune marquant une nouvelle étape dans l’évolution d’une intelligence artificielle nommée Cherry, qui a pour but « primaire » de piéger des pédophiles sur internet, The Artifice Girl réussit à (bien) bâtir un récit s’étendant sur plusieurs décennies d’histoire, en à peine 90 minutes. Ce découpage offre un rythme limite théâtral tant on a l’impression d’assister aux différents actes d’une pièce classique mais sans jamais tomber dans l’ennui et surtout en gardant une tension continue. La mise en scène minimaliste se fait oublier au profit de ce qui compte vraiment : les dilemmes moraux, les questions éthiques… Et les espoirs mais aussi les peurs liées à la création de cette « petite fille artificielle » qui, à force d’évoluer, pourrait dépasser la race humaine et réclamer par elle-même d’avoir des droits.

« The Artifice Girl impressionne par la richesse de ses thématiques et la finesse de son écriture. »

La présence de la légende Lance Henriksen, figure de la science-fiction depuis Terminator jusqu’au jeu video Detroit Become Human, tient ici tout autant lieu de clin d’œil que de symbole du passage de témoin entre deux générations de récits SF : l’une dominée par les androïdes silencieux et l’autre par les IA conscientes, véritable et logique obsession du genre ces dernières années. L’interprétation du Bishop de la saga Alien, toute en retenue et justesse, apporte une gravité supplémentaire à la dernière partie et souligne le poids des décennies écoulées dans cet univers.

Tant qu’il a de l’humain il y a de l’espoir

The Artifice Girl : quand la SF parle bas, mais frappe fort

Mais si The Artifice Girl impressionne par la richesse de ses thématiques et la finesse de son écriture, il n’est pas exempt de reproches. Ainsi la conclusion semble un peu trop optimiste au regard des enjeux abordés. Si le long-métrage ouvre la porte à des réflexions glaçantes, notamment sur la manipulation d’êtres non-humains et la responsabilité de leurs créateurs, The Artifice Girl se referme sur une note très sage, à la limite de la naïveté. Un ton qui tranche avec la complexité installée jusque-là.

Aussi modeste dans sa forme qu’il est ambitieux dans son fond, The Artifice Girl ne cherche jamais à en faire trop, et c’est sa sobriété qui lui permet de gagner en impact. Les dialogues sont ciselés, les comédiens convaincants et les dilemmes soulevés assez puissants pour susciter le débat bien après le générique. En évitant la surenchère et en pariant sur l’intelligence du spectateur, Franklin Ritch délivre un premier long-métrage prometteur à défaut d’être totalement abouti. Il lui reste, trois ans après, à confirmer cet essai.