The Surfer : Nicolas Cage au bout des rouleaux

Huis-clos halluciné à ciel ouvert, The Surfer brocarde sur un mode rétro la masculinité toxique, avec un Nicolas Cage de compétition.
Vous vous souvenez de Patrick « Bodhi » Swayze et de ses leçons de vie dans Point Break ? Le genre de gourou new age qui pouvait filer une métaphore sur le surf pendant de longues minutes, au point de faire croire que chevaucher des vagues était une expérience philosophique illuminatrice. Le héros anonyme de The Surfer, nouveau long-métrage du toujours singulier Lorcan Finnegan (Vivarium, The Nocebo Effect), comme les antagonistes qu’il va rencontrer dans son voyage à Luna Bay, la plage de son enfance en Australie-Occidentale, voit dans l’appel du rivage le même genre de leçon de vie, qu’il compte bien inculquer à son fils. « On ne peut pas arrêter une vague. C’est de l’énergie pure. Soit tu la surfes, soit elle t’engloutit complètement », lui dit-il en arrivant sur place. Malheureusement pour lui, les occupants de ce bout de paradis perdu tanné par le soleil ont une tout autre vision de la vie : « Avant de surfer, tu dois souffrir ».
C’est sa plage, sa bataille

Exhibant les atours d’un film d’exploitation nostalgique de la nouvelle vague australienne des années 70, entre déconstruction hallucinée du mâle alpha local façon Wake in Fright et métaphore d’une Nature menaçante liguée contre son héros urbanisé sortie d’un Long Week-End, The Surfer n’est pas facile à dompter. Son squelette narratif est tout entier bâti autour de la décrépitude progressive de son héros anonyme, « le surfeur », qui n’admet pas son humiliation après une rencontre musclée avec les Bay Boys, meute de planchistes mascus ayant décrété que la plage de Luna Bay leur appartenait. Comme dans Vivarium, Finnegan parle d’enfermement, mais cette fois à ciel ouvert, dans un bout de parking attenant à la plage sur lequel s’entête et s’enferme un Nicolas Cage de compétition, cobaye idéal d’une expérience de clochardisation accélérée et surréaliste. Privé de son fils, puis de sa voiture, sa montre, d’eau, de nourriture et bientôt de tout semblant de dignité, le quinqua en passe de rôtir au soleil s’accroche à des rêves matérialistes – racheter la maison familiale donnant sur la baie, récupérer sa planche -, tout en contemplant un horizon idyllique, tout proche, qui, ironiquement, devient une simple toile de fond confinant au mirage.
« Ce huis-clos sablonneux et caniculaire se savoure comme une expérience excentrique sur l’aliénation masculiniste. »
The Surfer ne se résume heureusement pas au numéro d’acteur de sa vedette devenue le casse-cou gonzo préféré des cinéastes un peu singuliers (voir Mandy, Pig ou le plus récent Dream Scenario), même si une bonne partie de l’attrait du long-métrage lui est imputable – et tant pis s’il n’a rien d’un Australien ! Le film tire aussi sa force de sa confrontation surprenante avec les Bay Boys, dont le gourou aux dents blanches, Scally, est une sorte d’avatar vicieux et un brin pathétique… du Patrick Swayze de Point Break, on y revient. Dans l’un de ses derniers rôles, le regretté Julian McMahon (Nip/Tuck, Charmed) lui apporte un charisme carnassier, un brin de mystère aussi, qui servira dans le dernier acte à engager un deux ex machina aussi radical que pratique pour le cinéaste. Ces conventions dramatiques importent moins, de toute façon, que l’esthétique et l’atmosphère créées par Finnegan. Son huis-clos sablonneux et caniculaire se savoure comme une expérience excentrique sur l’aliénation masculiniste, et un exercice de style plutôt chatoyant et maîtrisé, à défaut d’être aussi mémorable que Vivarium.