The Wretched : mon voisin le monstre
Véritable phénomène des drive-in aux USA pendant la pandémie, The Wretched est une série B horrifique plutôt originale et frappante, quand elle ne cherche pas à faire le malin.
Si elle est une catastrophe sans précédent pour l’ensemble de l’industrie du 7e art mondial, la pandémie de Covid a au moins permis, sous certains aspects, de faire naître quelques belles histoires aux USA. The Wretched est l’une d’entre elles. Les festivaliers de l’Étrange, qui avait eu droit en 2019 à une avant-première, connaissaient déjà cette production IFC Films signée par les frères Pierce (auteur d’un Dead Heads de sinistre mémoire) pour un budget équivalent à un projet Blumhouse. Le grand, le très grand public, américain en particulier, a maintenant entendu parler de The Wretched : durant le premier pic de la maladie, et du confinement qui a suivi au printemps 2020, ce film d’horreur sans stars ni grande promotion est devenu le seul grand succès du box-office grâce à sa diffusion dans les drive-in du pays, seuls écrans de cinéma certifiés sans risque. Le film, qui a fini par engranger près d’un million de dollars de recettes dans une période famélique pour le cinéma, est resté six semaines d’affilée en tête du classement US, performance qui le place aux côtés des plus gros succès de James Cameron et de Marvel ! L’Histoire retiendra bien sûr que les circonstances étaient très différentes…
Romances d’ados et terreur à domicile
Sa réputation de phénomène a donc précédé l’arrivée de The Wretched en France, même si contrairement à Relic, qui lui a chipé sa première place avant l’été aux USA, le film n’a pas eu droit à une sortie sur grand écran. Dommage ou non, toujours est-il que le résultat, qui se veut très premier degré tout en adoptant les codes du teen movie fantastique, n’est pas déplaisant, même si aucune révolution à la Ari Aster n’est à espérer ici. The Wretched ne joue d’ailleurs pas la carte de la surprise durant son prologue, qui pour une raison un peu vague se déroule dans les années 80 (à part pour souligner les influences ciné de cette époque que les frères Pierce revendiquent). Une baby-sitter y subit un sort funeste, qui annonce comme un présage ce qui attend le jeune Ben (John-Paul Howard, qui a de faux airs d’Ansel Elgort), ado venu passer l’été dans la maison de son père, qui dirige la marina d’une station balnéaire de province. Sans le savoir, ses voisins, un couple de jeunes parents un peu rock’n’roll ont réveillé une présence souterraine dans la forêt environnante. Une créature issue des plus vieilles légendes amérindiennes (ça n’est jamais vraiment explicité d’ailleurs) qui attaque ses proies humaines sans distinction d’âge – de ce côté-là, le film n’a aucune pitié – et pire encore, peut prendre leur apparence d’une manière tout à fait écœurante. Bref, un monstre pur et dur, qui va semer la terreur dans la petite communauté et obliger Ben à mettre de côté ses premiers émois et ses difficultés familiales…
« S’il étonne par son imagerie, The Wretched se contente souvent du minimum
en terme de mise en scène. »
Avec ses trucages goresques à l’ancienne, son ambiance adolescente plus ou moins délurée, The Wretched est présenté comme un film qui carbure à la nostalgie. Mais les frères Pierce ne semblent pas prêcher pour une quelconque paroisse cinéphile. Leur long-métrage emprunte autant à des petits hits comme Paranoiak (et donc Hitchcock), auquel il est impossible de ne pas penser, qu’à Vampire, vous avez dit vampire, The Descent ou L’invasion des profanateurs. Les scènes choc sont aussi nombreuses que les références, ce qui place le film dans la position gênante d’être à la fois « authentique » dans sa quête de frissons malaisants (on s’attaque ici à l’intimité des cellules familiales, que la créature détruit littéralement de l’intérieur et soumet à sa volonté) et handicapé par des sensations persistantes d’avoir déjà vu tout cela avant, en plus mémorable. Le casting, par exemple, ne démérite jamais, mais on a pas affaire à des monstres de charisme. Et s’il étonne dans son imagerie, The Wretched se contente souvent du minimum en terme de mise en scène, excepté lors de lents travellings augmentant cette sensation de menace « de proximité ». On se gardera enfin d’en dire trop sur le twist final qui met un désordre sans nom dans les quinze dernières minutes. Inopinée, incohérente – même si des indices sont disséminés par avance pour le justifier – et par-dessus tout inutile, cette révélation tente de faire passer cette série B linéaire et méchante pour un film de petit malin qu’il n’est sinon à aucun moment. Un peu dommage tout de même.