Traumatika : l’enfance au bord du gouffre
Viscéral, gore et narrativement ambitieux, Traumatika utilise le genre horrifique pour exorciser les blessures de l’enfance… à sa manière !
Faisant partie des exclus « halloweenesques » de Shadowz, Traumatika s’inscrit dans la lignée de ces films d’horreur qui ne cherchent pas à faire sursauter gratuitement mais à laisser une trace dans l’esprit du spectateur. Après une courte séquence d’introduction plutôt dispensable, comme un échauffement hésitant avant la descente aux enfers, le film rentre enfin dans le vif du sujet et plante une ambiance glauque, moite, presque poisseuse, qui ne retombera pas avant les deux tiers du métrage. L’objectif est clair : faire suffoquer le spectateur prisonnier d’une tension constante, où chaque ombre semble sur le point de prendre vie.
Traumatika suit Mikey (Ranen Navat), un petit garçon dont les cauchemars se mettent à prendre vie alors que sa mère, Abbie (Rebekah Kennedy) semble souffrir d’une possession démoniaque. Ce qui commence comme une simple angoisse d’enfant tourne rapidement au jeu du chat et de la souris sanglant. Sa maison devient un piège vivant, théâtre de cris étouffés et de terreurs rampantes…
Une histoire fragmentée et morbide à souhait
Traumatika ose une construction éclatée, brassant les époques et les points de vue dans un montage a priori chaotique mais diablement efficace. Ce choix qui aurait pu perdre le spectateur traduit au contraire avec justesse la fragmentation mentale des personnages, ces vies littéralement mises en pièces par… leur traumatisme. Sous ses airs de pur film d’horreur à ne pas mettre devant tous les yeux, Traumatika parle en réalité de mémoire, de culpabilité, et de ces blessures d’enfance qui refusent obstinément de cicatriser.
« Chaque transformation, chaque éclat de chair et de sang semble
avoir été modelé avec un amour morbide du détail. »
Et si le film ne prend pas de gants sur le fond, il n’en prend pas davantage sur la forme : les maquillages sont d’une générosité réjouissante, gores et « juteux » à souhait. Chaque transformation, chaque éclat de chair et de sang semble avoir été modelé avec un amour morbide du détail. Le Français Pierre Tsigaridis (Two Witches) se fait un plaisir de susciter le dégoût tout en maintenant une vraie cohérence visuelle. En d’autres termes, c’est crade, mais c’est beau.
Monstres et proies
Belle aussi est la prestation de Rebekah Kennedy (déjà à l’affiche de Two Witches), d’une justesse étonnante du début à la fin. Elle incarne Abbie avec une subtilité déchirante, faisant coexister en elle la mère monstrueuse et l’enfant victime. L’actrice insuffle à ce personnage abîmé une humanité qu’on a tenté de lui retirer, rappelant que même les monstres ont parfois été des proies.
La dernière partie divisera sans doute : changement de ton brutal, rythme ralenti, ambiance presque artificielle, comme si le film cherchait à exorciser sa propre violence. Certains y verront une faiblesse, d’autres une respiration salutaire et une profondeur supplémentaire. On quitte l’horreur pour plonger dans la mélancolie, et cette transition, loin d’affaiblir le propos, le renforce : le vrai traumatisme ne tient pas au final dans les hectolitres de sang versé, mais dans ce qu’ils laissent comme traces derrière eux.
Traumatika ne prétend pas réinventer le genre, mais il s’y intègre avec une sensibilité et une générosité certaine, aussi bien dans sa mise en scène que dans son traitement thématique. Un cauchemar viscéral et dérangeant où l’horreur naît aussi et avant tout de l’humain.
