Un hologramme pour le roi : Tom Hanks au pays de l’or noir
Véritable curiosité, Un hologramme pour le roi offre à Tom Hanks le rôle d’un vendeur au bout du rouleau, qu’un voyage en Arabie Saoudite va requinquer. Dépaysant, mais anecdotique.
Certains films naissent parfois sous une mauvaise étoile. Tourné il y a bientôt six ans, laissé plusieurs années sur une étagère avant d’être distribué outre-Atlantique dans l’anonymat en 2017, Un hologramme pour le roi aura attendu trois années supplémentaires avant de finalement pointer le bout de son nez chez nous. Et encore : avec une sortie pré-confinement, éclipsée par L’extraordinaire Mr Rogers, « l’autre » film avec Tom Hanks à ne pas connaître, c’est exceptionnel, une sortie cinéma en bonne et due forme (et ce ne sera pas le dernier : Greyhound a aussi été vendu par Sony à AppleTV+, pour une sortie DTV le 10 juillet). Bref, l’association entre la star américaine et le réalisateur allemand Tom Tykwer, qui avait déjà fait ses preuves avec le diversement apprécié Cloud Atlas (Tykwer en était le co-réalisateur avec les Wachowski), pour adapter ici le roman éponyme du très en vogue Dave Eggers, n’aura pas suffi à faire du film un événement, malgré l’étrangeté attirante de l’histoire.
Au bout du monde, la renaissance
Basiquement, Un hologramme pour le roi est l’histoire de la remise en question d’un salary man en costume cravate, comme on en croise souvent au cinéma. Alan Clay est un représentant chargé de promouvoir le système d’hologrammes dernier cri de son entreprise, mais c’est aussi un quinqua fatigué, divorcé, en recherche d’une éventuelle « étincelle d’énergie » qui lui permettrait de reprendre le contrôle de sa vie, autrement qu’en jouant les papas poule avec sa grande fille. L’originalité du film, c’est que le boulot d’Alan finit par l’emmener en Arabie Saoudite, où il doit vendre son produit au Roi en personne. Bien évidemment, le choc des cultures va être immédiat (il l’est dès l’avion, où les prières se font en plein vol) et désarçonnant pour Clay. Sa rencontre avec Yousef (Alexander Black, pas vraiment arabe d’origine, mais vraie petite révélation), chauffeur placide et blagueur, puis avec le Dr. Hakem (l’excellente Sarita Choudhury, vue notamment dans Homeland) va finir de bouleverser son quotidien sans but…
« Il faut toute l’énergie d’un Hanks guère à son avantage pour nous sortir de la paisible léthargie qui gagne le long-métrage. »
Il faut parfois aller au bout du monde pour repartir de zéro. C’est ce qu’illustre doctement Un hologramme pour le roi, comédie dramatique qui tire sa principale qualité du contraste qu’il installe entre son acteur principal, véritable Tintin épuisé et gaffeur malgré lui, sortant de sa coquille pour renaitre petit à petit sous nos yeux, et la société saoudienne, qui fait pousser avec ses pétrodollars des mégapoles en plein désert tout en conservant des préceptes religieux stricts et oppressants. Le spectateur, comme Alan Clay, est mis dans la peau du touriste curieux qui découvre au fil de scènes jamais trop didactiques, mais fatalement absurdes, les paradoxes et les secrets d’une culture qui nous est encore très étrangère. Le principe du poisson hors de l’eau n’est malgré tout pas très nouveau, et il faut toute l’énergie d’un Hanks guère à son avantage, dévoué à son personnage comme à son réalisateur, pour nous sortir de la paisible léthargie qui gagne bientôt le long-métrage. Intrigant, mais avançant sans véritable but, Un hologramme pour le roi se contente d’aligner des leçons de vie transparentes (croyez-vous qu’il s’agisse d’un hasard si Alan Clay passe son temps à littéralement vendre des mirages ?) et des séquences feel good qui dans un cadre aussi exotique et cinégénique, flattent la rétine sans pour autant imprimer notre mémoire. Le film méritait-il pourtant un tel sort ? À vrai dire, à part si vous êtes un complétiste fan de Tom Hanks (et dieu sait qu’il y en a), Un hologramme pour le roi, avec son excentricité un peu trop calculée, n’a rien d’une étape incontournable.