The Innkeepers : à la recherche des frissons perdus

par | 31 août 2022

The Innkeepers : à la recherche des frissons perdus (PIFFF 2011)

Ti West creuse un sillon fantastique déjà cent fois labouré, et c’est une bonne nouvelle, tant son travail respire la sincérité et l’amour du travail bien fait.

Ti West ne fait rien comme tout le monde. Bien que la mode soit depuis quelques temps au revival des années 80, l’Américain a renvoyé en un film tous les copistes à leurs études. House of the devil, OVNI impensable pour les jeunes générations sevrées à l’horreur MTV, n’avait pas pour objet de faire référence à la glorieuse décade 80, mais d’en faire partie. Du générique aux crédits de fin, du montage sonore à l’interprétation en passant bien sûr par le rythme et la structure, tout était fait pour nous donner l’impression que le film avait réalisé en 1983 et non en 2009. Une idée fétichiste, suicidaire, mais aussi admirable, le résultat tapant dans ce que tous les films datant effectivement des eighties nous ont laissé comme souvenirs nostalgiques et embrumés.

Ce fantasme cinéphilique, réécrire une histoire déjà lointaine comme pour mieux se l’approprier, West lui donne un nouvel angle avec The Innkeepers, un film de maison hantée dont la facture est plus intemporelle, mais pas moins méticuleuse. Il raconte le dernier week-end d’existence de l’hôtel Yankee Pedlar, sur le point de fermer après un siècle d’existence. Deux ou trois clients sont encore attendus, et les deux employés de service, Claire (Sara Paxton, girl next door idéale et révélation du film) et Luke (Pat Healy, sosie officiel de Lee « Oz » Tergesen), se préparent à quelques nuits synonymes d’ennui, seuls à leurs comptoirs. Ils comptent s’occuper en continuant à chercher des fantômes, dans cette demeure que l’on dit hantée par le fantôme d’une mariée, Madeleine O’Malley. Avec sérieux, mais sans trop y croire tout de même.

Je te hante moi non plus

The Innkeepers : à la recherche des frissons perdus (PIFFF 2011)

Bien sûr, ils vont trouver des ectoplasmes inquiétants sur place. Bien sûr, des événements surnaturels vont faire sursauter les plus concentrés des spectateurs. Mais ce que West, fidèle à son style, recherche, ce sont moins les frissons faciles que l’ambiance qui les précède. Complètement centré sur ses personnages, The Innkeepers cherche, comme dans Trauma (1976) ou La sentinelle des maudits (1977) à installer un certain réalisme dans sa maison hantée. D’abord en observant les relations à la fois comiques et naïvement romantiques de Claire et Luke, dont la dynamique de vieux couple est une source inépuisable de gags, de l’addiction embarrassante de Luke aux sites pornos à la gaucherie persistante de Claire. Ces derniers viennent parasiter l’ambiance inquiétante de l’histoire, avant que l’on se rende compte qu’il s’agit d’un moyen efficace de rendre ses deux héros plus attachants que la moyenne, de leur donner une substance inhabituelle dans ce type de long métrage. La même remarque vaut aussi pour les personnages secondaires, en particulier l’ancienne actrice et médium interprétée par Kelly « Top Gun » McGillis.

« Ce classicisme narratif est assorti d’une mise en images très mobile. »

Ensuite, West se sert uniquement d’effets « spéciaux » simples comme bonjour, quitte à être taxé de « passéiste ». Des portes qui claquent, des objets qui bougent tout seuls, il y en a bien dans The Innkeepers, mais, associés à une construction patiente (l’histoire est chapitrée, avec des bancs-titres tous plus chichiteux les uns que les autres), et un refus total du recours au numérique, ils se révèlent à chaque fois efficace. Que le décor soit réel (1), tangible, est un plus non négligeable.

Comme un bon vieux canapé

The Innkeepers : à la recherche des frissons perdus (PIFFF 2011)

Ce classicisme narratif, dont le paradoxe est qu’il est assorti d’une mise en images très mobile, faite de longs travellings et de brusques accélérations de montage, a forcément ses limites : le spectateur se love dans le film comme dans un bon vieux canapé en cuir, à l’aise dans cet univers qu’il reconnaît inconsciemment (les couloirs de l’hôtel jouent sur la réminiscence avec Shining, les vues en plongée sur l’escalier évoquent instantanément Psychose, et la cave de l’immeuble devient forcément synonyme de descente aux enfers). Mais ce confort se fait au détriment de toute surprise, de toute déviation inopinée d’un fil narratif que l’on peut suivre sans effort particulier. Contrairement à Insidious, pour citer un exemple récent, The Innkeepers ne cherche pas à innover, mais à retrouver des sensations cinématographiques à la fois familières et oubliées. Comme pour House of the devil, The Innkeepers sera ainsi une réussite ou un empilement inintéressant de clichés, selon que l’on soit réceptif ou non à la démarche appliquée et savante du réalisateur.

Que West creuse un sillon fantastique déjà cent fois labouré est une bonne nouvelle, tant son travail respire la sincérité et l’amour du travail bien fait. Qu’il n’en profite pas pour marquer de son empreinte le genre en renouvelant ses codes et ses symboles est plus regrettable, même si le résultat vaut bien mieux que certaines tentatives du genre de la même époque, du style Dream House ou Paranormal Stupidity.

(1) L’anecdote veut que l’équipe du film House of the devil, West compris, ait logé dans ce même hôtel, situé à Torrington (Connecticut), et que des événements étranges s’y soient déroulés durant leur séjour, donnant l’idée du scénario de Innkeepers au cinéaste.