Midnight Collection : VHS, séries B et violence décomplexée !
La « Midnight Collection » concoctée par Carlotta autour de 4 séries B des années 80 nous fait replonger dans une époque révolue, aussi bis qu’enragée !
Comme le rappelait encore récemment l’excellent et touchant papier de Fier Panda, la nostalgie des trentenaires et de leurs aînés ayant grandi à l’époque des vidéoclubs est tenace et bien réelle. Tout comme l’ORTF ou le Minitel, la VHS, en particulier, est l’un des symboles d’une époque déjà lointaine, en tout cas complètement révolue.
C’est sur cette ficelle culturelle impalpable (parce que liée à des lieux, à un support, et à un mode de consommation du cinéma qui a tout simplement disparu) que l’éditeur Carlotta a décidé de tirer, en lançant une « Midnight Collection » constituée de 8 films américains, tous issus ou presque des glorieuses années 80. La première salve sort le 4 juillet, et est intégralement dédiée au film d’action et au polar new-yorkais, parfois mâtiné de fantastique : The Exterminator, alias Le Droit de tuer, Maniac Cop, Blue Jean Cop et Le Scorpion Rouge, tous distribués en DVD et en Blu-Ray, surnommé pour l’occasion la « VHS HD » !
Ici, pas de films de Joe Dante, de Carpenter ou même de Tobe Hooper au programme. La « Midnight Collection » n’a pas vocation à déterrer des classiques, mais des séries B qui ont fait le bonheur, pendant une décennie, des patrons de vidéoclubs. Sur la foi de leurs simples jaquettes, d’une promesse d’interdit, et de jaquettes savamment pensées pour agiter notre imagination, ces titres ont rejoint les grosses ventes de la vidéo, avant que la grande Histoire du 7e art ne les mette un peu de côté. C’est la loi du genre, surtout lorsqu’on parle de purs films d’exploitation, qui bordent à certains endroits avec le nanar sympathique. Pas assez toutefois, pour que cette quadruple sortie passe sous silence !
Maniac Cop : au secours la police !
Sans aucun doute le meilleur titre du lot, Maniac Cop est un modèle de série B qui a engendré une véritable mini-franchise. Né de la collaboration entre William Lustig, auteur du radical Vigilante et du très culte Maniac, et le génial scénariste Larry Cohen (Le Monstre est vivant, Phone Game), Maniac Cop est un exemple typique de film d’exploitation sublimé par un concept fort – un flic ripou, aussi brutal qu’imposant, revient d’entre les morts pour terroriser une ville, tout en gardant son emblématique uniforme. Enfant du Bronx, Lustig n’a pas son pareil pour filmer New York sous toutes ses sombres coutures. Comme pour une bonne part des autres titres de la collection, la Big Apple est un personnage à part entière de Maniac Cop. C’est la New York d’avant le « grand nettoyage » de l’ère Juliani : sale, à moitié en ruines dans certains quartiers dont Brooklyn et le Bronx, remplie sur la 42e rue de sex-shops et de cinémas en piteux état, et de dealers la nuit dans Central Park. Une cité dépravée donc, et intensément cinégénique.
Au carrefour du film policier et du slasher, Maniac Cop tire donc parti de ses décors urbains tout en exploitant au mieux son histoire de flic serial killer : dès lors que les habitants comprennent que le responsable de la vague de meurtres qui secoue la ville est un policier, ils sombrent dans la psychose. Et bien entendu, un faux coupable désigné d’office (Bruce Campbell, tout juste sorti du tournage harassant d’Evil Dead 2) va devoir prouver son innocence en affrontant le colosse à la matraque, personnifié dans toute la saga par le très étrange Robert Z. Dar. Un comédien patibulaire, abonné comme son nom l’indique aux séries Z, et dont le physique étrange correspond parfaitement à ce personnage emblématique de l’horreur made in 80’s.
The Exterminator : justice sauvage
Direction New York à nouveau, avec le premier des deux films du lot réalisé par James Glickenhaus, fil rouge de cette collection (il est à la production sur les deux autres titres). The Exterminator. Un titre qui claque, d’autant plus lorsqu’on y ajoute le sous-titre explicite Le droit de tuer. Pour beaucoup d’ados ayant grandi dans les années 80, The Exterminator – et sa suite aussi – tient plus du fantasme lointain que de la madeleine cinématographique. Tout le monde n’a sans doute pas vu le film, mais personne n’a oublié cette affiche (un brin mensongère) où trône un motard casqué brandissant vers la caméra un lance-flammes, pour cramer nous l’imaginons, quelques loubards imprudents. Comme Un justicier dans la ville et ses suites, le film de Glickenhaus est un vigilante movie : un thriller bien droitier, donc, où un quidam dégoûté par la violence, l’injustice et la décadence de la société, décide de faire justice lui-même, de la manière la plus expéditive possible.
Dans la plupart des films de ce sous-genre typique de cette décennie, la croisade punitive du « héros » fait suite à un traumatisme gratiné. Ici, John, incarné par le boursouflé et amorphe Robert Ginty (Les têtes brûlées), est un vétéran du Vietnam qui a vu la mort de près – dans un prologue visiblement tourné dans une carrière la nuit, avec une scène de décapitation sentant bon le latex et l’animatronique -, et que l’agression de son meilleur pote plonge dans la folie. Enfin, c’est ce qu’on pense, car la narration pour le moins chaotique du film, et l’interprétation, mi-outrée, mi-nulle, de l’intégralité du casting, font du résultat une œuvre étrange. Mû par l’envie de choquer, le film multiplie les idées de mises à mort outrées (hachoir industriel, balles explosives…), les fusillades et les poursuites, sans jamais que la réalisation se mette à la hauteur du sujet traité. Flirtant assez souvent avec le nanar involontaire – notamment dans une sous-intrigue romantique hilarante entre le flic chargé de l’enquête et une infirmière lambda -, The Exterminator est un drôle d’objet désormais bien dépassé, et qui connaîtra une suite plus confidentielle produite par la Cannon, mais qui bénéficiera du même genre de jaquette in your face !
Blue Jeans Cop : entre Lumet et le buddy movie
Glickenhaus, une fois encore, que l’on retrouve huit ans plus tard, alors que la vague des buddy movies commence à submerger Hollywood. Blue Jean Cop, retitrage marrant – et pas du tout hors-sujet – de Shakedown, a tout d’un ersatz de L’Arme Fatale sur la côte Est, avec Peter Weller (qui vient d’être Robocop) et Sam Elliott (The Big Lebowski, Road House, Tombstone…) posant fièrement côte à côte. Le produit fini est en réalité un peu plus original et – légèrement – audacieux : Glickenhaus veut visiblement emballer un divertissement pétaradant, avec quelques scènes d’action plus (une poursuite spectaculaire dans le parc d’attractions de Coney Island) ou moins réussies (un final aérien aux incrustations dignes d’une parodie turque). Il veut aussi réunir un duo à la complicité visible, et de ce côté-là, Weller et Elliott sont plutôt convaincants.
Mais Blue Jean Cop a des ambitions de polar sérieux : l’histoire gravite autour de la mort d’un flic en civil, qui s’est fait abattre en tentant de voler la drogue d’un petit dealer de Central Park. Était-il un ripou ou un policier en mission ? Le scénario devient suite à cette scène inaugurale à la fois un drame judiciaire (Weller est un avocat de la défense rentre-dedans), et un thriller sur la corruption des forces de l’ordre à la Sidney Lumet : une référence d’autant plus inévitable quand on plante sa caméra dans la Grosse Pomme, quelques années après Le Prince de New York. Sans surprise, Blue Jean Cop ne s’élève pas vraiment à ces hauteurs, même si Glickenhaus fait ici preuve d’une belle vigueur dans sa réalisation, s’autorisant quelques jolis clins d’œil (les héros discutent dans un cinéma qui projette The Exterminator !) et magnifiques prises de vues nocturnes dans les grandes artères de la ville. Le genre de scène qui serait aujourd’hui plutôt tournée au Canada pour réduire les coûts…
Le scorpion rouge : le Rambo des sables
Pour conclure cette tournée de minuit, quoi de mieux qu’un bon vieux film de gros bras, ambiance Rambo et Armée rouge ? Direction « l’Afrique », donc, un continent que l’on confond toujours avec un pays dans le cinéma américain, avec Le Scorpion Rouge, véhicule dédié à la gloire de sa star naissante, Dolph Lundgren, encore tout auréolé, comme la bande-annonce le rappelait, du succès de Rocky IV. La montagne suédoise y joue le pendant soviétique de Stallone : une machine à tuer envoyée dans une contrée africaine indéfinie pour y tuer un leader rebelle. Bien entendu, derrière son air robotique et ses répliques monosyllabiques, bat un petit cœur contrarié, qui va l’amener à prendre fait et cause pour les villageois locaux, et à détruire l’intégralité de sa propre armée.
Et oui, rappelez-vous, c’était l’époque des Rambo II et III, de Commando, d’Invasion USA… Un film d’ailleurs réalisé par le tâcheron Joseph Zito, également aux manettes de ce Scorpion Rouge resté fameux pour son rocambolesque tournage. Entre le tournage d’abord prévu au Swaziland, puis délocalisé en Namibie, l’explosion du budget (passant de 8 à 16 millions de dollars), les soupçons de financement par un parti sud-africain d’extrême droite, le tournage ardu avec de véritables bushmen, le film est revenu de loin, et garde, dans la copie très bien restaurée de Carlotta, une étonnante cohérence visuelle. Les paysages namibiens sont magnifiques, et contribuent à donner un semblant d’ambiance épique à ce spectacle guerrier et mystique qui pâtit du manque d’épaisseur de son héros (Lundgren est plutôt bon et physiquement impressionnant, mais il n’a pas grand-chose à faire à part maugréer et défourailler des figurants). Joseph Zito, aidé d’un budget cossu, ménage quelques mouvements de caméra pendant l’action parfois impressionnante, et dans un rôle secondaire de journaliste bougon, M. Emmet Walsh (Blood Simple) vole constamment la vedette à Dolph. Pas de quoi faire du Scorpion Rouge un classique oublié, mais le spectacle (et l’argent) est bien à l’écran, et puis de toute manière, pour reprendre un proverbe de vieux trentenaire aigri bien connu… on en fait plus des comme ça !
Dans l’ensemble, le bilan de cette première salve de minuit (la suivante met en valeur la filmo d’un autre new-yorkais pur jus, Frank Henenlotter) est positif. Les copies HD sont plutôt belles – Le scorpion rouge en particulier -, et dans le cas de rééditions DVD comme Maniac Cop, gagnent même une seconde jeunesse. Carlotta n’est pas le premier ni le dernier à investir ce champ nostalgique de la série B, mais le choix éditorial est cohérent, et appuyé par des jaquettes et sérigraphies soignées.
Seul regret, mais de taille : les quatre disques ne contiennent aucun bonus autre que leur bande-annonce. Rageant au vu du prix et du fait que pour certains titres, Maniac Cop en particulier, des suppléments sous-titrés existent déjà sur le marché.