The Void : assaut sur l’antre des ténèbres
Traumatisé par Carpenter et Clive Barker, The Void réactive la série B fantastique et gore à base de latex. Un trip inégal mais généreux.
Une véritable vague de nostalgie déferle depuis quelques années sur le cinéma horrifique et fantastique. Des innombrables projets de reboots des titres cultes des années 80 (Ghostbusters récemment, et bientôt Gremlins, New York 1997, ou encore Ça), aux propositions plus confidentielles comme House of the Devil de Ti West ou The Guest d’Adam Wingard par exemple, il est impossible de lister toutes les productions clignant plus ou moins lourdement de l’œil à cette période bénie du genre. Avec ses codes graphiques très reconnaissables, ses SFX pré-numériques et son absence totale d’inhibition, cette décennie a laissé des images marquantes dans l’esprit de réalisateurs devenus trentenaires et traumatisés par les classiques de leur enfance. The Void (« le vide », ou « le néant » pour les anglophobes) est un nouvel exemple frappant de cette tendance !
La dimension infernale
Coréalisé par les Canadiens Jeremy Gillespie et Steven Kotanski, qui se sont fait remarquer des amateurs avec leur travail au sein du collectif Astron-6, The Void est un pot-pourri de tout ce qui vous a marqué au fer rouge entre 1980 et 1990 en matière de film d’horreur. C’est bien simple : cette série B réalisée en grande partie à l’ancienne, c’est-à-dire avec peu de moyens mais beaucoup de latex, ressemble moins à une véritable proposition originale, qu’à une sorte d’album de reprises interprétées par de fins connaisseurs.
« Le fantôme de Lovecraft plane sur cette histoire d’expériences interdites et de dimensions parallèles. »
Filmé dans l’Ontario, The Void emprunte toutefois ses codes et son décor au film de genre américain. L’action débute de nuit dans une sinistre demeure isolée dans la campagne : un jeune paniqué échappe au carnage orchestré par un père et son fils, armés de fusils de chasse. Couvert de sang, il tombe bientôt sur l’officier Daniel Carter (Aaron Poole, Captives), en patrouille dans le coin, qui n’a d’autre choix que de l’emmener vers l’hôpital le plus proche. Celui-ci, dévasté en partie par un incendie, n’est plus peuplé que par quelques patients et médecins (c’est pratique pour le budget figuration), dont l’ex de Carter, Allison (Kathleen Munroe, Alphas). Carter doit bientôt faire face à une menace venue de l’extérieur : des hommes cagoulés, portant un symbole en forme de triangle sur le visage, se rassemblent autour de l’hôpital, couteaux à la main. Et puis soudain, l’inexplicable arrive : chacun est assailli de visions infernales et cryptiques, une patiente assassine brutalement un voisin de chambrée, des cadavres se transforment en monstres innommables… Une nuit de cauchemar commence.
La foire aux monstres est ouverte
Avec ses créatures en perpétuelle mutation, son refuge assiégé par des agresseurs sans visage, ses visions rendant fou les pauvres humains, sa thématique sur la quête d’immortalité menant à la folie, The Void convoque ouvertement le spectre de John Carpenter (Assaut, The Thing, Prince des ténèbres, L’antre de la folie) et de Clive Barker (Hellraiser, recopié littéralement le temps d’une scène). Le fantôme de Lovecraft, des nouvelles comme « La créature sur le seuil » entre autres, plane aussi sur cette histoire d’expériences interdites et de dimensions parallèles. Le duo Gillespie / Kostanski, biberonné au départ à la série Z façon Troma (voir leurs psychotroniques Manborg et Father’s Day), ne s’en cache pas et tente non sans un certain panache de rassembler toutes ces influences visibles comme le nez au milieu de la figure, dans un tout cohérent et particulièrement sanglant. Le passif des deux réalisateurs en matière de direction artistique et de maquillages sur des grosses productions hollywoodiennes s’avère ici payant : là où des techniciens moins expérimentés auraient accouché d’un film de couloirs un peu cheap, The Void instaure ici une ambiance de folie macabre palpable. Comme le laissait présager sa bande-annonce, le film ne lésine pas sur les visions ultra-gore et fournit son quota réglementaire de scène vicieuses (l’énucléation au scalpel, brrr), voire carrément dantesques une fois arrivée la dernière demi-heure, qui n’est pas sans évoquer dans son outrance le récent Baskin.
Hélas, s’il parvient à nous convaincre par son atmosphère et son absence totale de second degré (même le générique de fin est rythmé par une « musique » atone et bruitiste, évocation sonore adéquate d’un enfer indescriptible), The Void demeure plus faible niveau personnages. Outre une direction d’acteurs pas toujours cohérente – il est assez ardu de comprendre l’évolution, ou l’absence d’évolution d’ailleurs, de certains protagonistes -, l’écriture et les dialogues ne constituent sans doute pas le point fort du duo canadien. Aucun des protagonistes n’est particulièrement mémorable, au point que les scènes de dialogue censées approfondir leur personnalité ressemblent finalement plus à du remplissage, histoire d’atteindre les 90 minutes réglementaires. Cette faiblesse narrative, qui par certains aspects est aussi un atout (de nombreuses questions, comme l’origine du culte, la nature exacte de l’autre dimension ou du processus de mutation, sont laissées à notre imagination) n’empêche pas The Void d’imprimer durablement la rétine. Vous risquez de voir des triangles partout dans votre sommeil après ça…