Cold Hell : l’enfer, c’est les hommes
A mi-chemin entre Girlfight et Blink, Cold Hell constitue une excellente surprise : un polar giallesque riche en sensations fortes, doublé d’un sacré portrait de dure à cuire !
Comme le rappelait malicieusement le livret officiel du Festival du Film fantastique de Bruxelles, qui l’avait sélectionné en 2017, il est permis de se demander quand l’Autriche nous a envoyé un polar aussi robuste et divertissant que ce Cold Hell, alias Die Holle dans sa langue natale. Ça n’est pas une surprise si l’on doit cette bonne découverte à Stefan Ruzowitzky, qui avait initié l’Allemagne au slasher avec Anatomie et sa suite, avant de gagner en 2008 l’Oscar du Meilleur film étranger avec Les faussaires, qui tenait autant de la saga historique que du film à suspense. En apparence, Cold Hell est bien plus modeste : il crée pourtant à l’écran une héroïne badass dont on se souviendra longtemps. Un mélange entre Girlfight et Blink venu du pays de Romy Schneider qu’on ne croise pas tous les jours !
Özge (Violetta Schurawlow, taciturne et magnétique), d’origine turque, gagne tant bien que mal sa vie à Vienne en tant que chauffeuse de taxi – pas banal – et passe ses soirées à expulser sa rage et les préjugés racistes dont elle fait l’objet dans ses cours de boxe thaï – c’est encore moins banal. La jeune femme, en butte avec une famille qui ne lui a pas fait de cadeaux (un père abusif, une mère effacée) et un ex sympathique mais maladroit, rencontre son plus grand défi lorsqu’elle est témoin, chez une amie, d’un meurtre commis par un tueur en série particulièrement sadique – en plus d’être misogyne et xénophobe, comme on l’apprendra bientôt. Traquée à travers la ville, Özge doit composer avec le désintérêt des forces de l’ordre pour son cas, et va devoir faire parler sa force et son instinct pour espérer rester en vie…
Taxi driveuse et serial killer
Calibré, et parfois même éclairé, comme un polar hollywoodien des années 90, mâtiné de film d’exploitation européen des années 70 (couleurs criardes, ambiance nocturne déliquescente), Cold Hell fait partie de ces films vaguement familiers qui sans vous bouleverser par leur savoir-faire, savent vous convaincre sur la durée. Avec ses meurtres très graphiques montés dans une ambiance de giallo sanglant, son méchant psychopathe increvable et sans remords échappé d’une série B de Steven Seagal, et surtout son héroïne peu aimable à la Michelle Rodriguez, affrontant tout ce que le monde des mâles peut lui envoyer dans la figure comme opposition, le film carbure à l’énergie brute. Il aligne, notamment dans sa première heure quelques scènes d’anthologie, dans l’horreur autant que dans l’action.
« Cold Hell, notamment pendant sa première heure,
quelques scènes d’anthologie. »
Le résultat pâtit à peine d’un dernier acte marqué par une romance paresseuse avec un vieux policier attachant (très bon Tobias Moretti, que l’on connaît notamment chez nous pour le western The Dark Valley) devant s’occuper d’un père perdant la mémoire. Une sous-intrigue pas inutile mais trop détachée du récit général, qui menace de faire basculer l’ensemble dans le téléfilm pépère à la Tatort. Après une sélection dans plusieurs festivals (Beaune, dont il est reparti avec le prix du Jury, puis l’Étrange), Cold Hell est enfin parvenu à traverser nos frontières. Tentez donc le voyage !