Solo : seul sur le sable, les yeux dans l’os
À mi-chemin entre 127 heures et Instinct de survie, Solo relate le calvaire d’un surfeur malchanceux aux Canaries. Avec de belles images et bien trop de blabla.
Par une belle matinée de 2014, sur la côte de l’île de Fuerteventura, dans les Canaries, Álvaro Vizcaíno (Alain Hernandez) part se vider la tête avec sa planche de surf, seul au cœur d’une splendide nature. Le héros de Solo (qui a eu la mauvaise idée de sortir la même année qu’un autre petit film confidentiel partageant le même titre) se remet à peine de sa rupture avec la belle Ona (Aura Garrido, que l’on recroise après La jeune fille et la brume et L’avertissement), avec laquelle il avait une relation conflictuelle, et de l’annonce du départ au Canada de son meilleur pote. Physiquement et mentalement, Álvaro se retrouve seul face à ses démons et ses défauts. Le destin va se charger de lui asséner une cruelle leçon : alors qu’il longe la falaise, il trébuche et glisse vers le vide, se retenant à la force des mains. Suspendu au-dessus des rochers, Álvaro doit se résoudre à chuter en choisissant la vague la plus opportune. Il réussit son coup, mais se fracture la hanche gauche en tombant dans l’eau. Le surfeur blessé doit lutter pour sa survie : incapable de se lever, sans secours à l’horizon, il va tenter de garder la tête hors de l’eau…
Surfer blues
Comme tous les récits tirés de faits réels, Solo tire une part de son attrait de l’empathie qui doit se créer avec un héros passé par mille épreuves, et les ayant surmonté pour pouvoir en témoigner. Dans ce film espagnol, proche à de nombreux niveaux du 127 heures de Danny Boyle (avec moins de sanglantes amputations tout de même), Álvaro nous est présenté comme un type superficiel, un colosse incapable d’exprimer ses sentiments et amoureux de sa planche plus que de la sublime femme qui s’allonge à ses côtés sur le sable. Tout aussi proche de la Nature qu’il soit, ce gars-là va devoir souffrir le martyre pour changer de peau. Une morale doloriste attendue dans un survival en solitaire comme celui-ci, et qui ne laisse que deux options au cinéaste Hugo Stuven pour allonger la sauce jusqu’à atteindre les 90 minutes réglementaires : digresser en flash-back ou en hallucinations sur le passé et les interrogations de son héros, et décrire par le menu ses efforts et trouvailles pour se sortir de cette très mauvaise passe.
Autant dire qu’on est déçu que l’équilibre entre ces deux options ne soit pas mieux tenu. Solo tire affreusement en longueur dès ses premières minutes, lorsqu’il devient clair que Stuven ne va pas décrire par le menu le calvaire de son personnage, et va au contraire l’entrecouper d’interminables scènes de dialogue entre Álvaro et Ona sur le sens de la vie, de l’amour… Des dialogues dignes d’Harlequin que la mine renfrognée et impassible d’Hernandez, acteur expérimenté peu connu chez nous, n’aide pas à rendre plus vivants. Certes, Solo est souvent joli, enquillant les vues aériennes des Canaries et les images de rouleaux aquatiques comme un pubard qui découvrirait les drones et les caméras étanches. Et on souffre volontiers aux côtés de ce surfeur résolu à ne pas mourir sur un bout de plage infesté de mouettes. Mais la réalisation de Stuven prive par ses choix ce simple enchaînement de malchances de toute dimension exceptionnelle et de toute leçon de vie inspirante. Dommage.