Après le marathon intensif d’avril dernier, le marché de la vidéo est revenu dans ce mois de mai monopolisé par les froufrous cannois à un rythme plus raisonnable. Ce qui ne veut pas dire que notre sélection soit asséchée comme une station essence de l’Ouest lointain ! Au contraire, rarement avons-nous eu droit à une salve de titres représentant des genres si variés. De l’horreur craspec au western inclassable, du polar social à la fantasy tout public, du thriller mutilé à la série B science-fictionnelle, le DTV ce mois-ci nous donne un large aperçu de tout ce que les multiplexes semblent désormais ne plus vouloir accueillir, même pendant la Fête du Cinéma.

Comme chaque mois, vous commencez à connaître la chanson, la sélection qui suit est par essence subjective. Le nombre constant de sorties VOD non annoncées est si grand qu’il est impossible de tout voir, et comme vous, nous faisons des choix tout à fait partiaux des titres à chroniquer. Des films manquent à l’appel ? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires, pour nous faire part de vos coups de gueule. Bonne lecture… et bonnes soirées vidéo !


Appel inconnu

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Un film de Dani de la Torre avec Luis Tosar, Javier Gutierrez, Goya Toledo

Sortie le 4 mai 2016 en DVD et Blu-ray (Koba Films)

Comme l’a prouvé au dernier Festival de Beaune le film de braquage To steal from a thief, le cinéma espagnol n’a pas attendu longtemps pour s’emparer du thème de la crise financière et en faire un matériau fictionnel particulièrement puissant. Sélectionné lui aussi à Beaune, et mettant aussi en vedette l’excellent Luis Tosar (Malveillance, El Nino), Appel inconnu part d’une idée simple (un maître chanteur arnaqué par les placements douteux de sa banque piège la voiture du patron de ladite banque) pour broder un suspense exemplaire d’efficacité sur le modèle de Connected ou Phone Game. Carlos (Tosar) est en effet contraint de conduire en gardant ce client remonté au téléphone, avec ses enfants à l’arrière, s’il ne veut pas que le véhicule explose. Et ces derniers ne peuvent pas descendre… Tourné à La Corogne, un décor splendide et peu vu au cinéma, Appel Inconnu ne révolutionne pas le principe du thriller en temps réel (certains rebondissements sont prévisibles, le dénouement un peu planplan). Mais Dani de la Torre se montre particulièrement inspiré pour faire monter graduellement la tension, et réussit notamment à nous impressionner en emballant deux plans-séquences de haute volée, dont l’un est une variation inattendue de celui de Spielberg dans La guerre des mondes ! Logique du coup, que le film ait remporté la plupart des récompenses techniques aux Goyas, les Césars du cinéma espagnol.

[icon_check] À voir… si vous aimez les thrillers à rebondissements en temps réel, le cinéma de genre espagnol, ce bon vieux Luis Tosar.


The Shamer

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Un film de Kenneth Kainz avec Allan Hyde, Soren Malling, Maria Bonnevie

Sortie le 4 mai 2016 en DVD et Blu-ray (AB Vidéo)

Il n’y a pas que les Américains qui font dans la fantaisie pour ados ! Après la Suède avec The Circle le mois dernier, c’est le Danemark qui s’y met cette fois, avec ce Shamer à mi-chemin entre Game of Thrones et Willow. Adapté d’une série de romans danois à succès, The Shamer nous emmène dans le royaume de Dunark, où se complote un coup d’état qui aurait plu à George RR Martin. La famille royale est assassinée, et la voyante locale est appelée à la cour pour sonder l’inconscient du suspect, qui est aussi le prince héritier. Mais tout ceci est une machination, et c’est bientôt à la fille de la voyante, une ado débrouillarde, de sauver le royaume… Basé sur un scénario d’Anders Tomas Jensen (Men & Chicken), qui évite certains lieux communs du genre et privilégie des enjeux resserrés à un éparpillement inutile, The Shamer convainc en particulier grâce à la richesse de ses décors et ses effets spéciaux, pas du niveau d’ILM mais suffisants pour rendre ce royaume imaginaire palpable. Il y a même des dragons, qui ressemblent certes à des komodos, mais qui ajoutent encore plus de divertissement à l’équation. Las, The Shamer se rétame dans son dernier quart à cause d’un faux dénouement mou et confus, pompé sur Robin des bois, et d’une intolérable fin ouverte annonçant une saga en plusieurs épisodes. Imaginez que l’on vous fasse espérer un duel entre Harry Potter et Voldemort pendant tout un film, pour finalement vous montrer le magicien faire la fête en attendant l’année prochaine ! Quoi, comment ça, ça a vraiment été fait ?

[icon_check] À voir… si vous aimez la médiéval fantasy à l’européenne, les sagas littéralement sans fin, les dragons-lézards.


Suspicions

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Un film de Declan Dale avec Keanu Reeves, Ana de Armas, Mira Sorvino

Sortie le 9 mai 2016 en DVD et Blu-ray (Seven7)

Nous avions laissé la jeune et jolie Ana de Armas et Keanu Reeves sur un pitoyable Knock Knock l’an passé. Même pas un an plus tard, le duo de comédiens est à nouveau réuni sur un projet bancal, nommé Suspicions. Un film signé Declan Dale, qui est en fait le prête-nom du réalisateur afro-américain Gee Malik Linton. Scénariste et réalisateur débutant, le New-Yorkais a souhaité tirer un trait sur ce qui devait être un drame sensible et onirique, proche dans son argument du Labyrinthe de Pan, sur une communauté hispanophone des quartiers chauds. Film indé tombé dans les pattes de Lionsgate, Suspicions a vu son premier montage charcuté et coupé de 20 minutes, et cela se voit. Fascinant objet d’étude, le film n’a tout simplement ni queue ni tête pendant une bonne heure, le drame intime du personnage d’Ana de Armas, qui a des hallucinations, étant mis en parallèle sans explications avec l’enquête incohérente de Keanu Reeves. Complètement surréaliste, ce faux thriller a en fait été « réorganisé » pour mettre au premier plan la star des Matrix, sacrifiant la diversité ethnique voulue par le réalisateur. C’est dans les cinq dernières minutes que l’on comprend où tout ça menait, et que l’on devine le propos qui se cachait derrière ce massacre invraisemblable.

[icon_check] À voir… si vous aimez les cas d’école en matière d’interférence des studios, si vous voulez voir Ana de Armas dans un vrai bon rôle.


Bone Tomahawk

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Un film de S. Craig Zahler avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox

Sortie le 11 mai 2016 en DVD et Blu-ray (M6 Vidéo)

Preuve que Bone Tomahawk n’est pas un western comme les autres, il est reparti du dernier festival du film fantastique de Gérardmer avec le Grand Prix. C’est que le premier long-métrage du romancier et scénariste S. Craig Zahler (The Incident), même s’il se déroule au crépuscule du XIXe siècle, a invité à sa table des protagonistes on ne peut plus intemporels : les cannibales ! Des troglodytes, plus précisément, qui s’attaquent aux habitants d’une petite ville texane, que vont devoir aller secourir un quatuor de personnages très intéressants. Incarnés par Kurt Russell (qui a tourné ensuite Les Huit Salopards avec la même moustache), Patrick Wilson, Richard Jenkins et un étonnant Matthew Fox, ces hommes de loi et de principes, sûrs de leur supériorité sur ces « sauvages », vont effectuer une dernière chevauchée très risquée. Film à petit budget, à la fois laconique et brutal, Bone Tomahawk est un très curieux hybride, qui convoque plusieurs genres et approches en cultivant malgré tout une vraie cohérence de ton. On pense parfois à des mini-séries viriles et désenchantées comme Lonesome Dove, avant d’assister à une mise à mort atroce façon The Green Inferno ! Malgré une dimension étriquée (image terne, grain numérique disgracieux, figurants absents), Bone Tomahawk est une œuvre singulière, qui mérite le coup d’œil pour ses qualités d’écriture.

[icon_check] À voir… si vous aimez les westerns insolites et sanglants comme Vorace, si vous êtes fan de l’équation Kurt Russell + western.

[icon_check] Lire la critique de Bone Tomahawk


Human Centipede 2

mai16_centipedeUn film de Tom Six avec Laurence Harvey, Maddi Black, Kandace Caine

Sortie le 9 mai 2016 en DVD et Blu-ray (Condor)

Tom Six avait prévenu : The Human Centipede 2 ferait passer le premier pour un épisode de Mon Petit Poney. Sa sortie (enfin !) en France est l’occasion de constater qu’il ne mentait pas… Le premier long-métrage nous faisait rencontrer le docteur Heiter, chirurgien à la retraite, qui décidait de créer un mille-pattes humain (normal, quoi.) Trois touristes kidnappés, des coutures bien placées (miam) et hop, ça rampe tout seul ! Ça, c’est quand la personne légèrement dérangée du bulbe sait ce qu’elle fait. Dans ce deuxième épisode, place au gardien de parking un peu handicapé mental, et un peu beaucoup psychopathe. Fan absolu du premier film qu’il regarde en boucle, il décide de reprendre et d’élargir (ahem) le concept, en créant un mille-pattes de 12 personnes pour créer le tube digestif le plus long du monde ! À l’écran, après un premier opus assez « sage » graphiquement, distillant son ambiance un peu malsaine au compte-goutte sans trop en montrer, c’est opération portes ouvertes. Tout y passe, en gros plan si possible : actes médicaux réalisés n’importe comment, torture insoutenable, mutilations, viols, caca de partout (logique, voyons)… Tom Six en rajoute toujours plus, avec comme volonté de choquer, encore et encore. Pas une once de subtilité, ce n’est pas le propos (nous comprenons vite, par exemple, que le noir et blanc esthétisant sert plus à faire passer la pilule lors de scènes impossible à regarder en couleurs, qu’à faire du film une œuvre arty.) Les fans de gore extrême auront leur dose, les autres auront du mal à garder leur estomac en place ou à y trouver de l’intérêt. Vous êtes prévenus (attention spoiler) : The Human Centipede 2, c’est du film bien crade qui tâche, beaucoup.

[icon_check] À voir… si vous avez les boyaux solides, si voulez faire une blague à vos amis en leur faisant croire qu’il s’agit d’un documentaire sur les mille-pattes.


Les enquêtes du département V : Délivrance

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Un film de Hans Petter Moland avec Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares

Sortie le 5 mai 2016 en e-Cinema, le 6 juillet en vidéo (Wild Side)

Troisième épisode d’une saga d’origine littéraire, qui n’en finit pas de gagner de nouveaux adeptes en France, Délivrance nous ramène au Danemark, en compagnie de deux inspecteurs bourrus, mais increvables, Carl Mørck et Assad, pour une enquête haletante. Après la femme politique kidnappée de Miséricorde et les crimes honteux de deux hommes d’affaires de Profanation, le duo s’attaque cette fois à une histoire de kidnapping d’enfants, au sein d’une communauté ultra-religieuse du Jutland. Pour ce nouvel opus, les producteurs de Zentropa se sont attachés les services de Hans Petter Moland (Refroidis), réalisateur norvégien au style acéré : son apport à l’atmosphère visuelle de ce Délivrance est indéniable. Plus spectaculaire, plus ambitieux de par sa multiplicité de décors et le côté sensible des thèmes qu’il aborde, ce retour du Département V ne déçoit pas, en tout cas si l’on fait fi des invraisemblances et raccourcis heureux qui ponctuent l’intrigue. À voir séance tenante, en attendant la sortie de la séquelle, Dossier 64 !

[icon_check] À voir… si vous aimez le « Scandi-noir », si vous êtes accro aux « Cold Cases » du Département V et aux thrillers à l’ancienne.

[icon_check] Lire la critique de Délivrance

[icon_check] Lire notre interview de Hans Petter Moland

[icon_check] Lire notre interview de Louise Vesth (productrice)


Identify

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Un film de Steven Gomez avec Vanessa Kirby, David Ajala, Thure Lindhardt

Sortie le 17 mai 2016 en DVD et Blu-ray (TF1 Vidéo)

Spécialiste des effets spéciaux, Steven Gomez fait des débuts concluants derrière la caméra avec cet Identify produit, comme le Monsters de son pote Gareth Edwards, par les Britanniques de Vertigo Films. Tourné comme Monsters pour un budget réduit (environ un million de dollars), avec un casting d’inconnus, excepté Vanessa Kirby (Jupiter Ascending, Everest) et Thure Lindhardt (The Bridge), Identify compense ses limites par une batterie de VFX rivalisant en efficacité et en précision avec les blockbusters les plus riches. Dès son classieux générique, le film intrigue, en présentant un univers futuriste peuplé d’humains augmentés, les « Techs », et de robots de plus en plus autonomes. Bien sûr, cette technologie dégénère lors d’un exercice d’entraînement sur une île : les robots décident de chasser les humains, avec des balles bien réelles… Le script d’Identify, qui duplique pendant une bonne heure celui de Predator, ne s’embarrasse pas de subtilités, malgré le fait que le personnage de Kirby, proche dans l’esprit des animes japonais, relance régulièrement l’intrigue en laissant planer le doute sur sa véritable nature. Là où le film impressionne vraiment, c’est dans le soin apporté, en terme de design et d’incrustation dans le décor, à ses robots-tueurs : leur indéniable réussite conditionne celle de cette série B de science-fiction planant une bonne coudée au-dessus du tout-venant du genre.

[icon_check] À voir si… vous aimez les films de science-fiction indé, mais pas fauchés, si l’idée d’une variation robotique de Predator vous excite.


Pandemic

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Un film de John Suits avec Rachel Nicols, Missi Pyle, Alfie Allen

Sortie le 25 mai 2016 en DVD et Blu-ray (Marco Polo)

Les bandes-annonces ont ce pouvoir insensé de combler parfois les manques des films eux-mêmes, rendant les promesses du projet presque conformes à nos fantasmes. Le trailer de Pandemic nous promet ainsi véritablement un film à la Hardcore Henry : un FPS-movie déchaîné et haletant, exploitant le concept usé du film d’infectés en y injectant une énergie héritée des jeux vidéo type Left 4 Dead ou Dead Island. À l’écran, hormis une ou deux minutes de panique en vue subjective à la fois confuses et jouissives, Pandemic est surtout un bon gros Z des familles, qui s’écarte dès qu’il peut de son pitch, pour ne garder que le côté rouillé d’un genre surexploité dans tous les médiums. Même l’affiche est trompeuse ! Direction Los Angeles, donc, pour une chasse aux survivants dans une ville contaminée, conduite par le docteur Chase (la mimi Rachel Nichols, Deuxième sous-sol). Nous devrions voir l’action par ses yeux – ou plutôt la caméra de sa combinaison -, mais le réalisateur John Suits n’hésite pas à utiliser aussi les autres combis de son équipe, des caméras de surveillance ou même des angles externes à l’action, pour raconter son histoire… qui devient de facto une sorte de found-footage incohérent et foutraque, utilisant son concept quand bon lui chante. Le casting, lui, joue les utilités, se débattant dans des décors vides et tentant de rendre passionnant un script qui, a une ou deux exceptions près, ne propose rien de nouveau.

[icon_check] À voir… si vous aimez les films d’infectés montés n’importe comment, si vous êtes fan inconditionnel de Rachel Nichols.


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