La femme la plus assassinée du monde : que le spectacle commence !
La femme la plus assassinée du monde est un superbe hommage au théâtre du Grand Guignol, où Anna Mouglalis ne cesse de mourir sur les planches.
« Approchez, approchez, mesdames et messieurs ! Dépêchez-vous de venir admirer “La femme la plus assassinée du monde” sur la scène de Netflix ! » Cette production belge, présentée au dernier Bifff en avant-première mondiale, est le premier film de Franck Ribière (scénariste et producteur de Á l’intérieur et plusieurs films d’Alex de la Iglesia), qui orchestre cette plongée fascinante dans le Paris des années 30, gothique à souhait, aussi flamboyant qu’outrancier, voire grotesque. Une ambiance de tableaux animés soutenue par Laurent Barès, qui exerce une fois de plus ses talents de directeur de photo. Le film raconte l’histoire vraie de Paula Maxa, performeuse de théâtre Grand Guignol, dont la vie est ôtée des milliers de soirs durant. Un journaliste tente de percer le mystère de cette jeune femme et découvre qu’en coulisses une véritable tragédie est train de se jouer, sur fonds de meurtres en séries bien réels.
Bat les masques
La voix grave et envoûtante d’Anna Mouglalis confirme dès le départ aux spectateurs la macabre série : « j’ai été flagellée, martyrisée, coupée en tranches, recollée à la vapeur, passée au laminoir, écrasée, ébouillantée, saignée, vitriolée, empalée… » L’énumération horrifique des sévices subis par Paula Maxa se complet dans la surenchère, sans jamais nous intoxiquer. Tout d’abord parce que derrière la carte postale parisienne, La femme… rend un vibrant hommage au théâtre et aux saltimbanques, comme Paula Maxa. Parmi les personnages emblématiques de l’histoire du théâtre, le film met notamment en scène un directeur de théâtre peu scrupuleux (incarné par Michel Fau) et son inquiétant accessoiriste Paul (Jean-Michel Balthazar).
Difficile d’imaginer le rôle de Paula Maxa sans la présence et le charisme d’Anna Mouglalis. De par sa voix rauque et l’intensité de son jeu, l’actrice française permet de prendre la mesure de la profondeur de ce personnage fantasque et fantasmé, et de ses souffrances, comme de ses passions, aussi sincère qu’avant-gardistes. Personnage romantique par essence, indépendant et rebelle, Paula Maxa est un rôle en or pour une comédienne qui se frotte ici à un pur film de genre, s’inspirant d’une célébrité des Années folles pour bâtir un véritable mythe autour d’elle.
Un contexte signifiant et passionnant
Le bouillonnant théâtre, symbole d’un mode de divertissement disparu, se montre sous son aspect le plus excitant, de la scène au perron en passant par la loge de Paula et le bureau de Paul, aux allures de morgue baroque. L’accessoiriste y concocte tous ses « trucs », du faux sang plus vrai que nature, aux couteaux mous en passant par les innombrables moulages de tête de Paula. En toile de fond, le théâtre connaît une véritable mutation. Le cinéma naissant et l’avènement de l’image animée semblent sonner le glas des planches. Il est intéressant de constater que cet art se retrouve dans le scénario confronté à une redoutable crise, comparable à ce que vit aujourd’hui le cinéma en salles, et doit se transformer pour rester vivant. Il est pertinent également de noter que cette production Netflix, sans qui Ribière n’aurait pu monter son projet, clairement conçu pour être diffusé en salle, se voit de facto refuser le grand écran en France.
Franck Ribière livre avec La femme la plus assassinée du monde une aventure exaltante et souvent très graphique, qui trébuche parfois, comme lors de son final, en cherchant à trop impressionner le spectateur malgré des moyens parfois limités. Mais il est facile de pardonner ces quelques raccourcis faciles, car son histoire s’avère intelligente, touchante et ses thèmes, qui nous renvoient à notre propre musée des ténèbres, très marquants. « Mesdames et messieurs, n’attendez plus, venez découvrir l’horreur en vrai ! »