La malédiction Winchester : aux armes, ectoplasmes !
Les réalisateurs de Predestination explorent dans La malédiction Winchester les recoins d’une célèbre demeure, bien plus fascinante que les fantômes qu’elle abrite…
Contrairement à la plupart des titres qui encombrent le sous-genre du film de fantômes, La malédiction Winchester, que nous allons vite nous contenter d’appeler Winchester, fait l’effort de baser son festival de frissons sur une trame originale, voire même fascinante si l’on se penche dessus avec attention. Comme son nom le laisse supposer, le film s’intéresse à la famille des Winchester, qui a fait fortune grâce à ses célèbres carabines, familières de tout bon cow-boy et amateur d’Anthony Mann. Comme toute arme à feu en Amérique, ces fusils ont fait de multiples victimes tout au long du XIXe siècle, et si l’on en croit la légende, leurs fantômes ont hanté les murs de la demeure de l’héritière Winchester, Sarah, qui y vécut recluse pendant presque 40 ans. Le twist, c’est qu’elle passa son temps à agrandir la maison à coups de coûteux travaux. À sa mort en 1923, ce château biscornu situé à San Jose comptait 160 pièces. Sanglante ironie, il fut transformé dès l’année suivante en attraction touristique, la « Winchester Mystery House ». Une histoire pareille méritait sans aucun doute d’être portée à l’écran, non ?
La veuve et ses fantômes
Winchester part du principe que la veuve Sarah Winchester (incarnée par Helen Mirren, rien que ça) avait une raison bien précise pour transformer sa luxueuse demeure en labyrinthe sans queue ni tête, traversé d’escaliers menant dans des plafonds, de portes donnant dans le vide et de fenêtres ouvrant sur le sol. Chaque pièce était tout simplement destinée à contenir les esprits vengeurs qui venaient tourmenter la famille et éliminer un par un ses membres. Le film commence lorsque le docteur Eric Price (Jason Clarke), qui tente d’oublier le souvenir de sa femme disparue dans des vapeurs de laudanum, est engagé pour diagnostiquer la santé mentale de Sarah Winchester. L’héritière a perdu son mari, sa fille, dilapide sa fortune dans la perpétuelle construction de la maison, et n’est plus accompagnée que de sa nièce Marion (Sarah Snook) et son neveu Henry. La veuve est-elle devenue folle ? Les premières minutes se chargent d’évacuer le suspense en un roulement – littéral – d’yeux : la « Mystery House » est bien un repaire pour les poltergeist de tous poils, et ils cognent fort contre les murs.
Il faudra du temps à Price pour admettre que les jump scares à répétition qui parsèment sa découverte des lieux et les doigts chatouilleurs qui sortent des murs sont la preuve que quelque chose de surnaturel se passe dans cette demeure où les portes sont barrées de poutres tenues par exactement 13 clous – on est superstitieux ou on ne l’est pas. Confronter le cartésianisme du héros à la présence de l’inexplicable est le lot de tous les films de ce genre, d’Amityville à La dame en noir, entre autres exemples. Mais la manière dont Winchester enfonce ce clou (sic) avec la finesse d’un six-coups confine presque au ridicule, comme si la ghost story gothique promise se faisait insidieusement envahir par un humour (involontaire) dignes des frères Wayans. Basiquement, l’intrigue se résume à observer la lente rédemption de Price, qui d’homme de science blasé devient un allié de Sarah et sa famille dans sa lutte contre les mauvais esprits. C’est un arc narratif valable mais qui se prémunit malheureusement contre toute surprise, toute originalité. Bien qu’il cherche constamment à nous faire sursauter, Winchester ne parvient jamais à effrayer, parce qu’il s’appuie sur des personnages maigrement définis, une timidité certaine dans l’horreur et un scénario balisé d’avance, à tous les étages.
Frissons architecturaux
Pourtant, Winchester captive souvent l’œil dès que celui-ci s’attarde sur les éléments de son fantasque décor. Les frères Spierig, que l’on connaît bien pour les excellents Daybreakers et Predestination (dans lequel on retrouvait déjà Sarah Snook), mais aussi, ahem, pour Jigsaw, sont parvenus à donner du faste et une palpable étrangeté à cette « Mystery House », recréée avec quelques béquilles numériques en Australie. Chausse-trappes, escaliers en trompe-l’oeil, armoires passe-plats… On peut regretter que leur mise en scène, lisse et passe-partout, plus proche du Jan de Bont de Hantise (en moins tarte tout de même) que des scary flicks de James Wan, ne sublime pas plus le travail de production design, mais celui-ci garantit au moins à Winchester une certaine plus-value visuelle. Dommage enfin que le duo Helen Mirren / Jason Clarke ne produise pas plus d’intensité, mais cela s’explique aussi par la relative pauvreté et des personnages avec lesquels ils doivent composer. Winchester aurait pu être dantesque, vertigineux et réellement flippant vu le matériel « réel » sur lequel il s’appuie. À la place, il faudra se contenter d’une série B remplissant à peine son contrat, qui donne plus certainement envie de voir débarquer un documentaire sur la vie des Winchester que de se précipiter sur sa boîte de clous.