Perfect Skin : à l’encre de son corps (Étrange Festival)
Un tatoueur psychopathe noue une étrange relation avec sa prisonnière dans Perfect Skin, intéressante série B préférant jouer sur la retenue plutôt que l’étalage de sévices.
S’il a trimballé son visage taillé au biseau, son sourire de Joker et ses yeux perçants dans de nombreux films, le comédien Richard Brake a surtout traumatisé la plupart des spectateurs de 31, le dernier Rob Zombie, qui s’ouvrait sur un monologue face caméra de son personnage, le psychopathe Doom Head. Un rôle tellement marquant que l’on aurait aujourd’hui du mal à imaginer Brake au cinéma autrement que dans la peau d’un taré inquiétant et sadique (il est d’ailleurs de retour au casting du prochain Zombie, 3 from Hell). À ce niveau, Perfect Skin ferait presque figure de pause dramatique pour l’acteur, alors qu’il y joue un vétéran du tatouage kidnappant une jeune femme afin utiliser son corps comme un canevas pour son magnum opus artistique, dans une variation ténébreuse sur le même thème de La Piel que habito.
L’action de ce premier long-métrage signé Kevin Chicken se déroule au cœur de Londres, capitale pluriculturelle où vont se croiser trois personnages : Katia (Natalia Kostrzewa), une jeune Polonaise désoeuvrée, Lucy (Jo Woodcock), une Australienne fêtarde au caractère bien trempé, et Bob (Brake), un tatoueur américain attaché aux anciennes traditions de son métier. Le grand échalas à la voix traînante gagne vite la confiance des deux femmes, qui s’entraident et font la fête en attendant des jours meilleurs. Mais Bob, dont le commerce n’est pas si florissant et qui traîne avec lui quelques ennuis de santé, a un plan bien précis en tête : il pense que Katia pourra lui « servir » pour laisser une trace de son art dans l’histoire, et va donc choisir de la séquestrer pour, hum, la travailler au corps…
Bob le tatoueur
Si l’on y réfléchit bien, le film d’horreur a pris une sale habitude en faisant en sorte de rendre les professions les plus anodines inquiétantes. Dentistes fous, bouchers zélés, « cable guys » psychotiques, pompiers pyromanes, plombiers envahissants… Il faut se méfier de tout le monde, ma bonne dame ! Le monde des tatoueurs sera donc plus ou moins ravi d’apprendre que Richard Brake a mis son physique inquiétant au service de ce Perfect Skin qui joue plus la carte de la retenue que celle de la débauche de sévices. Et c’est tant mieux. Prisonnière succombant lentement au syndrome de Stockholm, découvrant à chaque réveil de nouveaux tatouages sur son corps, puis d’impressionnants piercings (coup de chapeau à l’actrice, qui a enduré tellement d’heures de maquillage qu’elle s’est évanouie durant une journée de tournage), Katia endure un chemin de croix marqué par sa propre culpabilité – elle trahit en effet sa seule amie avant d’être kidnappée. Bob, lui, est encore plus intéressant : obsédé par son art et la mystique de la modification corporelle, le papa divorcé atteint d’une maladie incurable bascule dans une folie très méthodique. Brake lui confère une gestuelle et une diction désarmante de prévenance, prouvant que c’est souvent en en faisant le moins qu’on inquiète le plus.
Film de personnages plus qu’œuvre à suspense, Perfect Skin surmonte un scénario balisé à l’extrême par la grâce d’une réalisation plus soignée que la moyenne (du générique propulsé par la musique de Liam « Prodigy » Howlett aux fondus enchaînés et plans macro abondants). Pas de quoi pourtant vous éloigner longtemps des salons de tatouage, sauf si la vue d’un piercing suffit à vous effrayer.
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