La séance de rattrapage : Arctic
Moins ostentatoire que The Revenant, Arctic est un survival modeste mais captivant, qui rien que pour la prestation de Mads Mikkelsen, mérite d’être découvert.
Le territoire polaire d’Arctic, c’est un peu comme l’espace que décrit Gravity : une immensité intrinsèquement hostile à l’homme, un environnement brutal et désert où la survie ne peut être qu’une question de chance et de sang-froid. Dans ce long-métrage rigoureux et captivant, les raisons qui ont amené le héros, joué par Mads Mikkelsen, au milieu de ces contrées perdues importent peu. Quand le film commence, son avion s’est crashé depuis longtemps, il est seul, et parvient à survivre en installant des dispositifs de pêche rudimentaires et en dormant dans une chaleur relative dans la carcasse de l’appareil. Qui est-il, qu’est-il arrivé à l’avion ? Le film s’en moque – tout juste devine-t-on qu’il doit être pilote d’avion – et ramène constamment les enjeux du scénario à cette simple confrontation, entre l’Homme, résilient et plein de ressources, et les éléments. Tempête de neige, températures glaciaires, signaux de détresse dérisoires, ours polaires et pics infranchissables sont autant d’obstacles qu’il faudra surmonter, avec de maigres moyens doublés d’un entêtement inébranlable. Avec toujours, dans un coin de la tête du héros, et par extension du spectateur, cette certitude pressante que la mort n’attend que l’erreur de trop pour réclamer son dû…
Seul sur la glace
Lors de sa présentation à Cannes, puis de la brève tournée promotionnelle qui a accompagné sa sortie en salles (où le film a essuyé un triste échec), Mads Mikkelsen a décrit l’expérience de tournage d’Arctic (vingt jours en Islande, dans des conditions polaires) comme l’une des plus difficiles qu’il ait connu dans sa carrière. Et le bougre a tout de même tourné Valhalla Rising. Mais le jeu en valait la chandelle : premier long-métrage du musicien et réalisateur brésilien Joe Penna, Arctic, désormais disponible dans une édition vidéo immaculée mais chiche en bonus, ramène le genre du survival à sa condition la plus élémentaire, et donc la plus universelle. Seul, ou presque, à l’écran (il y a plus de producteurs crédités au générique que d’acteurs), Mads Mikkelsen livre une prestation aussi viscéralement physique que subtile dans le rôle d’un naufragé des glaces, trouvant une raison de vivre inattendue dans son combat quotidien pour la survie et le sauvetage inattendu d’une victime collatérale de ses pérégrinations dans le Grand Blanc.
« Arctic peut être vu comme la version modeste et pourtant évocatrice de l’ostentatoire film d’aventures The Revenant. »
Il est difficile, surtout au moment où Mikkelsen doit défendre un refuge de fortune des attaques d’un ours, de ne pas repenser à certains moments à The Revenant. Arctic peut toutefois être vu comme la version modeste et pourtant évocatrice, de l’ostentatoire film d’aventures d’Inarritu. Là où le périple de Di Caprio s’encombrait de mille symboles, intrigues parallèles et antagonistes divers, l’odyssée de Mikkelsen s’effectue en ligne droite, sans péripéties inutiles ou surhumaines. Le tumulte des sentiments, l’angoisse de mourir, mais surtout de mourir seul, tout se passe ici en sourdine, dans les profondeurs du regard plissé de l’acteur, dans ces gros plans paniqués sur une simple carte se transformant en épreuve herculéenne au fil des minutes. Arctic fait beaucoup, montre beaucoup, avec peu de moyens et de béquilles narratives. Ici, l’aventure n’a besoin que d’un pas de plus en avant pour exister.