U-235 : torpilles flamandes sous l’Atlantique
Quand la Belgique s’essaie au film de guerre énervé, ça donne U-235, aventure sous-marine pétaradante et sans complexe. Un bon cru flamand !
A peine un an après Le chant du loup, tentative méritoire (et en partie réussie) pour le cinéma français de s’attaquer au genre ô combien cinématographique du film de sous-marin, voilà que débarque en vidéo un voisin turbulent, moins solennel, plus bis, mais aussi plus immédiatement jouissif. Production flamande modeste – mais ça ne se voit pas à l’écran vu l’ambition du projet -, U-235 a le parfum de cuir usé des séries B va-t-en-guerre de l’après-guerre à Hollywood. Un film de guerre, de « guys on a mission » pourrait-on préciser, qui file droit comme une torpille à l’essentiel, et nous fait passer une heure en apnée en prenant le temps de rendre hommage à des maîtres du genre qui ont manifestement beaucoup marqué le réalisateur Sven Huybrecht, de James Cameron à Spielberg en passant par Robert Aldrich et Tarantino.
Inglorious Belgians
Le réalisateur d’Inglorious Basterds est presque cité dans le texte dès l’ouverture d’U-235, qui nous montre les exactions de nazis ricanants dans un petit village belge. Alors que l’on s’attend au pire, une poignée de résistants locaux joue la carte de l’attaque surprise, et démastique tout le bataillon en quelques secondes. Eux, ce sont les « moutons noirs », comme nous l’apprennent les dialogues. Chez Tarantino, on les aurait surnommés bâtards ou salopards : en tout cas, ce sont des enragés, prêts à décapiter des Allemands à la grenade sans ciller, « à tuer du schleu » comme ils diraient. Autant dire que cette équipe de bourrins badass, menée par Stan, un veuf traumatisé en quête de revanche (le populaire Koen de Bouw, vu dans Le Verdict et Double Face), n’est pas très heureuse de se voir confier une mission suicide : convoyer un sous-marin allemand et son chargement d’uranium (aussi appelé U-235, donc, nécessaire pour fabriquer les futures bombes atomiques) en Amérique depuis le Congo belge. Et tout ça en étant sous les ordres d’un « salaud de nazi », officier prisonnier de guerre et seul formé au pilotage de l’engin. La traversée va être longue, et forcément périlleuse…
« Un divertissement rondement mené, parsemé de scènes d’action ne s’embarrassant pas vraiment de réalisme. »
A l’image de son prologue surprise, U-235 est un film de guerre qui nous prend à revers : parce qu’il s’agit d’un film belge, parce qu’il sort pour nous un peu de nulle part, la solidité et la nervosité du script parvient à surprendre tout au long de l’aventure, malgré le fait que les ficelles utilisées soit grosses comme du cordage de marin. On a ainsi droit au montage à la Douze Salopards des soldats s’entraînant à maîtriser un engin où ils n’ont jamais mis les pieds, à une amourette entre le second du commandant et sa fille tireuse d’élite tout droit sortie d’Armageddon, à une méfiance entre soldats des deux camps qui se teintera au fur et à mesure de respect, à l’amputation express avec les moyens du bord et un peu de tord-boyaux, au coup de la musique qui se déclenche au mauvais moment à bord du U-boot… Des passages familiers, auxquels s’ajoute la fâcheuse tendance qu’a Huybrecht de rejouer littéralement des scènes-clés de titres comme Abyss, U-571 ou, à nouveau, Inglorious Basterds. Ces pêchés mignons de réalisateur cinéphile restent des scories regrettables dans ce qui reste par ailleurs un divertissement rondement mené, volontiers incorrect (l’équipe accueille à son bord un colosse congolais traité comme un animal par les colons belges), et parsemé de scènes d’action ne s’embarrassant pas vraiment de réalisme. Un film de commando pur jus, pas révolutionnaire mais qui parvient à dépasser par le sérieux de l’entreprise son statut de curiosité exotique pour devenir une addition au genre tout à fait recommandable.