Togo : aventure adorable dans le Grand Nord
Avec son casting inspiré, son cadre grandiose et ses chiens attachants, Togo remporte le pari de l’aventure old school familiale.
La croissance ultra-rapide de Disney+ (déjà plus de 60 millions d’abonnés dans le monde !) a beau imposer le respect, la plateforme SVOD n’a pas exactement soulevé les passions des amateurs de cinéma souhaitant y trouver autre chose que des films de catalogue vus et connus de tous. Entre la bluette Stargirl et le remake live de La Belle et le Clochard, pour ne citer qu’eux, la palette d’inédits familiaux proposée par le site pour son lancement fait pâle figure par rapport à Netflix. Heureusement, dans le lot s’est rapidement distinguée une production un poil plus intrigante, ne serait-ce que parce que le visage de Willem Dafoe s’imprime en grand sur son affiche : avec Togo, le studio renoue avec sa tradition depuis longtemps établie des « films d’aventure canins », et plus encore des films d’aventures canins en milieu polaire, dont les récents exemples se nommaient Antartica et Snow Dogs. Tiré d’une histoire vraie célèbre aux USA, Togo se montre ambitieux dans sa reconstitution et réussit à éviter l’écueil du divertissement régressif en l’arrosant d’une dose bienvenue de lyrisme et de gravité.
Comme nous l’expliquions dans notre preview, Togo raconte la grande histoire cachée derrière la légende, celle de la « course au sérum » de 1925 en Alaska. Un relais de mushers (les conducteurs de chiens de traîneaux) s’était mis en place à la hâte, en plein hiver, pour apporter jusque dans un village isolé l’antitoxine nécessaire à la guérison des enfants, touchés par une épidémie de diphtérie. Plus de 1000 km traversés dans des conditions extrêmes, à travers des chaînes montagneuses et des lacs gelés. De ce périple émergea un nom : Balto. Le chien leader du traîneau qui délivra les médicaments fit la Une des journaux, devint un symbole de l’amitié entre l’homme et le chien, eut droit à sa statue à Central Park et à une franchise animée chez Dreamworks. Une gloire dont fut privé le véritable héros de l’histoire, le chien Togo et son musher Leonhard Seppala (Willem Dafoe) : c’est l’exploit de cet attelage, qui parcourut à lui seul plus de la moitié de cet itinéraire, que met en lumière le film d’Ericson Core, réalisateur connu chez nous pour le pitoyable remake de Point Break. Egalement directeur de la photo (pas le principal atout du film, malgré la beauté des paysages du Grand Nord capturés en format large), le cinéaste signe sans peine son meilleur film, en faisant le choix d’élargir le propos et de faire de cette épreuve l’aboutissement d’une longue histoire d’apprivoisement mutuel.
Une vie de chien… de traîneau
Si Togo ne perd pas de temps à établir les enjeux de son histoire (dès les premières minutes, Leohnard, surnommé « Sep », est montré comme un vétéran des courses de traîneau et mis au courant de la maladie qui touche le village et du défi que représente la transmission du sérum), c’est pour mieux mettre en place dans un second temps des allers-retours temporels permettant de revenir aux sources de l’histoire de Togo lui-même : un chien chétif et intenable, que Sep refuse d’ajouter à son attelage, allant jusqu’à tenter plusieurs fois de le donner à un voisin conciliant. Le film se montre enfantin dans ces séquences où le chiot buté et farceur fait les 400 coups à son maître sous le regard complice de Constance, la femme de Sep (excellente et subtile Julianne Nicholson, vue entre autres dans Masters of Sex et Monos), jusqu’à vaincre ses réticences pour gagner sa place en tête de traîneau. La légèreté solaire, estivale de ces flash-backs, renforce en retour la dureté des scènes hivernales et monochromes, dans cette course où le savoir-faire de Sep et l’endurance de Togo comme des autres chiens sont soumis à rude épreuve. Le film se montre généreux en moments grisants, préférant miser lorsque c’est possible sur des trucages à l’ancienne (se distinguant en tous points du plus cartoonesque L’appel de la forêt), sans céder dans sa mise en scène au triomphalisme bêta. Entre deux traversées de lac glacé à haut risque, Togo suggère que Sep pêche parfois par excès de confiance, ivre héros de sa propre aventure citant du Shakespeare lorsqu’il défie la mort. Ce faisant, il met au supplice ses propres bêtes, dont l’entêtante loyauté est à la fois une source de fascination et un fardeau.
« Plus que le récit d’un exploit, Togo est la chronique
d’une amitié qui doit se passer de dialogues. »
C’est ce qui fait le sel du film en définitive, en dehors de la qualité d’interprétation du couple Dafoe / Nicholson (dont l’alchimie est manifeste, malgré des dialogues parfois vraiment scolaires) et de la photogénie jamais mise en défaut de ces adorables chiens toujours saisis dans leurs postures les plus expressives. Plus que le récit d’un exploit, Togo est la chronique d’une amitié qui doit se passer de dialogues. Le film ne s’arrêtera pas avec l’arrivée à Nome du traîneau de Balto, et un happy end connu de tous. Ericson Core fait le choix de prolonger l’histoire dans un dernier acte aussi beau qu’élégiaque, où le cycle de la vie nous rappelle à l’ordre avec une franchise qui détonne dans l’univers policé des productions Disney. Togo ne cherche pas à broder plus que de raison autour de son pitch de départ. Concentré sur ces images de Willem Dafoe et son chien, dont la connexion mutuelle finit par dépasser les mots, le film tire sa force de sa simplicité et du sérieux avec lequel il traite cette histoire de survie en milieu sauvage et de dépassement de soi.