Cibles mouvantes : traque suffocante dans la neige
Petite production suédoise très maîtrisée, Cibles Mouvantes embarque un couple fragile dans un survival neigeux à la fois familier et plein de surprises.
Si vous avez déjà posé un œil un soir sur notre sélection de survivals inédits (vous savez ce qu’il vous reste à faire sinon), vous saurez que le principe d’opposer civilisation et vie sauvage en propulsant des personnages de citadins propres sur eux dans un environnement hostile n’est pas franchement neuf. Pour ressembler à autre chose qu’une énième copie de Délivrance, La colline a des yeux ou Détour Mortel (au choix et pour rester dans le domaine redneck uniquement), il faut avoir des twists originaux en stock, pas mal d’assurance et de flair niveau mise en scène et un casting crédible à chaque étage. Beaucoup de productions contemporaines tentent le coup sans avoir les moyens de leurs (souvent maigres) ambitions, mais dans le genre, Cibles Mouvantes, sorti sans grand bruit sur Netflix et placé rapidement en tête des titres exclusifs les plus vus en février, fait plutôt partie du haut du panier.
David (Stasse Soulis, vu dans la saga des Johan Falk) et Nadja (Nanna Blondell, Black Widow) forment un couple de trentenaires plutôt attendrissant, lui plutôt maladroit quand il fait sa demande en mariage depuis les toilettes, elle plutôt charismatique par sa ténacité et son refus de se conformer aux clichés de l’épouse au foyer. L’arrivée imminente d’un bébé met toutefois leur relation à rude épreuve, et le couple décide de s’offrir avec leur chien une escapade dans les montagnes du nord de la Suède, option aurores boréales. Mais, cela ce voit dès les premières images en forme de flash forward (aka le mal scénaristique du siècle), le week-end rando Kechua va virer sanguinolent, à la faveur d’une nuit à la belle étoile où un point rouge (« red dot », titre anglais du film) les ciblant comme du gibier apparaît dans leur tente…
Terreur blanche
Le propre d’un bon survival est de souvent de vous donner d’abord envie de voyager, en valorisant par des plans aériens de superbes paysages naturels et immaculés (aucun problème ici, la Scandinavie est un réservoir d’espaces préservés splendides), avant de remettre sévèrement en question l’utilité même de sortir de chez vous. Cette menace extérieure qui s’insinue dans le quotidien est rapidement personnifiée dans Cibles Mouvantes par un duo de jeunes chasseurs racistes et inquiétants, qui s’en prend à Nadja à cause de sa couleur de peau. Le scénario ne perd pas de temps pour établir ces antagonistes tout trouvés et lancer, au bout de vingt minutes, la traque sauvage entre le couple et leurs poursuivants invisibles. Le film rappelle l’espagnol Les Proies, au Britannique Calibre, à toutes ces séries B où la Nature devient une prison à l’air libre, où les éléments climatiques et le hors-champ se liguent contre les héros pour tester leurs limites, éprouver leur résilience et leur attachement mutuel.
« « Le scénario règle tous les comptes façon loi du Talion,
dans un final brut et sec comme un coup de trique. »
Ce programme roboratif, attendu et rehaussé d’une certaine cruauté, est toutefois court-circuité dans le troisième acte par un vrai bon gros twist, imprévisible parce qu’un poil tiré par les cheveux. Ce n’est pas un hasard si le montage sort les rames pour combler les trous et les ellipses du prologue, et pour répondre aux points d’interrogation qui subsistaient autour de David et Nadja, ce couple pas très bien assorti passé un peu trop rapidement de l’amour fou à la quasi-haine larvée. Le réalisateur Alain Darborg (Braquage à la suédoise) va toutefois au bout de son idée, le scénario délaissant sur le tard le survival pour régler tous les comptes façon loi du Talion, dans un final brut et sec comme un coup de trique. Une chose est sûre, malgré son succès en ligne, Cibles Mouvantes 2 n’est pas prévu pour tout de suite !