La première adaptation de la licence Silent Hill, signée Christophe Gans, avait beau retranscrire remarquablement l’ambiance du jeu vidéo, elle n’était pour autant exempte de défauts. L’espèce de mythologie imaginée par le réalisateur du Pacte des loups qui permettait d’offrir un dénouement inédit à son adaptation, se révélait sacrément bancale et confuse, en tout cas plus que la première partie, totalement fidèle à l’univers du jeu. Et c’était peut-être ça le plus important : plus que la continuité narrative ou la révélation du passé de la ville fantôme, ce qui a le plus marqué les premiers « visiteurs » de Silent Hill était ce malaise persistant, cette solitude qui envahissait le personnage. Puis le joueur se retrouvait oudain sans repères, perdu dans un brouillard persistant laissant ponctuellement place à une dimension parallèle horrifique et traumatisante. Que chaque épisode la saga initiée par Konami ait depuis pris à chaque fois pour héros un personnage différent n’est pas un hasard : l’idée de cycle perpétuel, le côté immuable de la « colline silencieuse » faisait partie de son charme.
En terrain connu
On ne doute pas que Michael J.Bassett, réalisateur british des très estimables Wilderness et Solomon Kane, soit un fin connaisseur des jeux Silent Hill. Il s’est ici mué en scénariste pour la séquelle longtemps retardée du film de 2006, et s’est attaché à reproduire peu ou prou la trame de Silent Hill 3, dont l’héroïne était la jeune Heather. Les personnages clés qu’elle rencontre dans le jeu apparaissent tous ici, et on retourne bien entendu longuement dans le parc d’attractions de la ville, endroit clé de plusieurs dénouements de la saga. Bref, tout cela est très intéressant pour l’aficionado de base, mais qu’en est-il du film lui-même ?
Pour être honnête et faire court, c’est une catastrophe. Tourné au Canada avec moitié moins de budget que le premier opus, Silent Hill Revelation 3D démarre très mal avec un flash forward nous propulsant sans plus de présentations à la fin du film, dans le fameux parc qui part en flammes. Passe encore que le réalisateur et son producteur, Samuel Hadida, brûlent d’envie de plonger sans perdre de temps le teenager moyen dans le vif du sujet (car le teenager moyen veut de l’action, pas une histoire, c’est bien connu), mais la scène sera reprise quasiment telle quelle une heure plus tard. Quel intérêt, si ce n’est le fait de rentabiliser le plus luxueux des décors construits par la production ?
Une saga part en lambeaux
SH2R3D (quelqu’un finira bien par l’appeler comme ça) embraye donc après ce premier « rêve dans le rêve » – oups, spoiler – avec un embryon de scénario à la fois squelettique et incompréhensible. Squelettique, parce qu’on comprend dès le départ que Heather (la transparente Adelaide Clemens, lookée à la mèche près comme dans le jeu) va devoir aller à Silent Hill pour chercher son papa (Sean Bean, qui semble bien regretter les jours heureux de Game of thrones), car elle est la clé de la malédiction qui pèse sur la ville. Incompréhensible, parce que s’y trame sur place une histoire de familles et de complots hâtivement racontée à travers les scènes de dialogues explicatifs parmi les plus plates qu’on ait entendues en 2012. Et cette « trame » nous est dévoilée par un personnage, Vincent qui gagne la palme d’or de la tête à claques de l’année, d’autant plus qu’il est interprété à la manière d’un somnambule sous hypnose par Kit Harington (Jon Snow dans… Game of Thrones).
Déjà pas fameux dans sa partie « urbaine », Silent Hill 2 devient infréquentable une fois que l’action s’installe dans l’infernale cité. Fake scares assortis de grincements assourdissants, effets gore gratuits, enjeux et personnages inexistants, bout-à-bout de séquences chocs montées sans le moindre souci de cohérence, sans compter les effets de projections aussi gratuits que hideux (merci le sang numérique)… Bassett et son équipe d’effets spéciaux ont beau avoir bossé le bestiaire du film – notamment une femme transformée peu à peu en mannequin -, rien n’est mis correctement en valeur, chaque scène, presque indépendante l’une de l’autre, se révélant plus stupide que la précédente. Comme ce passage avec les fameuses infirmières, mises en avant lors de la promotion du film, qui jouent à 1,2,3 soleil avec un Vincent enchaîné sur une table : un moment aussi étrange mérite une vraie mise en scène, la création d’une atmosphère de danger, pas un champ contre-champ faisant fi de toute spatialisation de l’action.
Le ring de la honte
Le pompon est toutefois atteint lors de la confrontation finale, sorte de remake mongoloïde du Temple Maudit dans lequel la grande méchante incarnée par Carrie-Anne Moss (méconnaissable et d’ailleurs pas reconnue) se bat contre toute attente… contre Pyramid Head, vilain emblématique de la licence qui quand il ne joue pas à « Tournez, manège », se retrouve donc dans une adaptation pirate de Soul Calibur, ring circulaire et fatalités comprises. Certes, c’est toujours du jeu vidéo, mais on peut tout de même parler poliment à ce niveau de foutage de g******, non ?
Encore une fois, l’érudition ludique de Bassett n’est pas à mettre en doute, le réalisateur réussissant à cligner de l’œil à deux épisodes de la saga dans un seul (et dernier) plan, comme pour se mettre définitivement les fans dans la poche. Malheureusement, Silent Hill Agression en 3D se révèle être une véritable aberration scénaristique et visuelle, un film de 90 minutes qui en paraît le double tant on nage en pleine série Z non-sensique, avec caméos d’acteurs – une scène chacun ! – en roue libre (nos pensées accompagnent Malcom McDowell, Deborah Karah Unger, Martin Donovan et Rahda Mitchell, qui passe faire coucou dans une autre scène bien consternante) et bande-son cacophonique qui réussit à noyer dans son mixage la musique dissonante d’Akira Yamaoka – LE créateur de l’ambiance sonore de la saga. On se croirait d’ailleurs revenu dans une de ces séquelles déviantes et sans saveur de Freddy, le schéma narratif étant finalement le même pour peu qu’on remplace Silent Hill par Elm Street. C’est dire à quel niveau se noie cette séquelle effroyablement inutile, qui risque d’enterrer pour de bon une franchise cinématographique méritant pourtant tellement mieux.
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Silent Hill Revelation 3D
De Michael J.Bassett
2012 / France-USA-Canada / 94 minutes
Avec Adelaide Clemens, Kit Harington, Sean Bean
Sortie le 28 novembre 2012
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En guise de bonus, retrouvez ci-dessous une vidéo de la présentation très spéciale du film en clôture du PIFFF, en présence du réalisateur Michael J.Bassett, du producteur Samuel Hadida et de figurantes aux costumes évocateurs….