The Privilege : démons visqueux et ados en chaleur
Production allemande idéale pour faire frissonner un public ado, The Privilege n’innove en rien, mais mène sa barque avec métier.
Ah le lycée. Toujours une période difficile, quel que soit le pays. Enfin, surtout quand on doit se remettre de la disparition brutale de sa sœur, que l’on a des hallucinations démoniaques et qu’on ne sait pas trop si la jolie brune de la classe a vraiment des sentiments pour nous, comme c’est le cas du jeune Finn dans The Privilege. Cette production destinée à Netflix, derrière laquelle on retrouve le duo responsable de la trilogie de fantasy des Gemmes (Rouge Rubis, Bleu Saphir et Vert Emeraude, c’était eux), est la petite surprise allemande de l’hiver : un thriller fantastique manifestement calibré pour plaire au public adolescent, qui pille gentiment les classiques américains à droite et à gauche, mais se montre étonnamment graphique et rentre-dedans, sans jamais faiblir le rythme.
Seul contre tous (les adultes)
Le héros de The Privilege, Finn (Max Schimmelpfennig, l’une des stars de Dark) est donc cet ado traumatisé par une tragédie familiale : le « suicide » de sa sœur aînée, point culminant d’un prologue qui brise en éclats une famille bourgeoise pourtant bien sous tous rapports. Des années plus tard, Finn et sa sœur jumelle tentent de vivre le lycée tant bien que mal, entre premières passions amoureuses et batailles d’ego. Mais Finn a des hallucinations, entend des voix, qui s’apparentent à un démon revanchard. Peut-être le même que celui qui aurait attaqué sa sœur ? Avec sa meilleure amie Lena (Lea Van Acken, également dans Dark), Finn se met à enquêter sur sa propre famille et sur le drôle de médicament qu’on lui prescrit depuis tout ce temps. Le temps presse, car son autre sœur semble elle aussi victime de cette malédiction…
« The Privilege opère dans un territoire terriblement familier – et racoleur. »
L’une des qualités de The Privilege réside dans sa faculté à avoir un (petit) coup d’avance sur le spectateur. Calqué sur le modèle « horrifique, mais pas trop » de ses voisins d’outre-Atlantique, le film ressemble d’abord à une histoire de fantômes à la James Wan (le premier Insidious est cité lors d’une courte scène d’invocation nocturne), option trauma familiale et gémellité contrariée, avant de dévier, peu finement, vers des histoires de parasite nécrophile, de possession et de culte secret, installant une ambiance « ne faites confiance à personne, surtout aux adultes » typique des séries B pour ados. Il évoque alors dans le désordre à The Faculty, Body Snatchers, Society, Supernatural ou Morts suspectes, des références hétéroclites qui soulignent aussi en creux à quel point The Privilege opère dans un territoire terriblement familier – et racoleur, puisqu’on n’échappe pas à une scène de triolisme inattendue et incongrue, destinée à émoustiller son audience. Le duo de cinéastes sait toutefois exploiter chacun de ses décors, notamment la maison bourgeoise pleine de transparences et de secrets de Finn et sa famille. Plutôt gore dans son dernier tiers, The Privilege se suit au final sans effort, mais aussi sans déplaisir, même lorsqu’il tente le coup de la fin ouverte qui ne sert à rien – à moins que Netflix ne s’excite sur les chiffres de visionnage du film…