The Medium : mauvais esprit es-tu là ?
Faux documentaire sur une possession démoniaque, The Medium revitalise un sous-genre amorphe, sans le révolutionner.
Dépaysant et immersif au possible, The Medium, choisi pour représenter la Thaïlande aux derniers Oscars, apparaît comme le prolongement spirituel du meilleur film de son producteur et co-scénariste Na Hong-jin, The Strangers. Le réalisateur sud-coréen n’est en effet certainement pas étranger à la singularité de ce long-métrage signé Bansong Pisanthanakun (Shutter), qui surfe sur le même état de stupéfaction que celui qui nous saisissait dans les scènes de transe chamanique et d’exorcisme de The Strangers. L’action se déplace toutefois ici dans un autre pays, avec d’autres croyances et cosmogonies nébuleuses, dont l’apprentissage des codes sert de socle narratif à un long-métrage qui prend la forme d’un énième found footage.
Chamane fait un peu flipper…
Enième, oui, car le sous-genre popularisé par Le projet Blair Witch a dépassé depuis belle lurette sa date de péremption stylistique, au point que la moindre caméra portée en vue subjective fasse pousser des soupirs de fatigue. The Medium parvient toutefois à échapper à ce sentiment de déjà-vu persistant, ne serait-ce qu’en comprenant qu’une équipe de tournage, même fictive, n’a pas obligation de filmer ses plans de travers, à l’épaule et sans goût pour le cadre soigné.
« The Medium est aussi, c’est sa force, un vrai feuilleton de famille. »
Immersive donc cette histoire de documentaristes partis dans le nord-est de la Thaïlande, à Isan, pour suivre le quotidien d’une médium locale, Nim, qui se dit possédée par l’esprit bienveillant de Ba Yan, l’une des divinités traditionnelles du pays. Nim fait des rituels, des offrandes à la statue sacrée de la déesse, vient en aide aux problèmes de l’esprit de ses congénères – bref, c’est un peu la prêtresse du coin. Nim a accepté ce rôle à contrecœur, cette « responsabilité » passant de mère en fille dans sa famille et ayant été refusée par sa grande sœur. Quand sa belle-fille, Mink, belle pimbêche athée accro à son téléphone, commence à montrer des signes de possession, Nim se met à croire qu’elle pourrait bien un jour la remplacer. Mais son comportement devient malgré tout inquiétant : quelle est exactement la nature de la force qui s’empare de Mink ?
Une famille bien possédée
Même si son principe narratif rappelle des bandes américaines comme Le dernier exorcisme, The Medium se distingue de la masse des films du même type par le soin apporté à son écriture et sa mise en forme. Fréquenté par un casting d’inconnus convaincants et impliqués, le film cède – dans un premier temps – rarement aux effets faciles un peu cheap, préférant nous immerger pleinement dans une contrée rurale à l’étouffante beauté, dans ses superstitions brumeuses, à coups de plans de coupe judicieux. The Medium est aussi, c’est sa force, un vrai feuilleton de famille, la possession de Mink étant le catalyseur d’une foule d’événements faisant remonter un par un les sombres secrets d’un clan déjà fragilisé par les ressentiments, et sur le point d’imploser. Pisanthanakun et son producteur, déjà bien rôdés au genre, n’oublient pas de faire peur. Avec l’aide d’une actrice magnétique se perdant corps et âme dans son interprétation, ils font du chemin de croix de Mink un sacré tour de montagnes russes, jusqu’au point de non-retour du dernier acte, où explose tout le nihilisme de son co-auteur.
Là, les artifices deviennent grossiers, les incohérences se font énormes (vous dormiriez en famille dans la même demeure qu’une possédée déchaînée, vous ?), les twists s’accumulent sans surprendre, le gore envahit le cadre de manière bien trop familière pour les connaisseurs, même pas trop éclairés, du genre du faux documentaire fantastique. Le mysticisme laisse place à l’horreur à peu de frais, même si The Medium tire jusqu’à la dernière image son épingle du jeu, par son attention aux détails qui font mouche et par la complexité de ses personnages et de leur parcours spirituel.