Hobo with a shotgun : génération grindhouse

par | 10 juillet 2022

Odd Thomas : un étrange, mais sympa chasseur de fantômes

Hobo with a shotgun ? Un film d’exploitation à l’ancienne bien plus abouti et conscient de son mauvais goût que Machete.

Sans le projet Grindhouse, Hobo with a shotgun, avec le phénomène Rutger Hauer n’aurait sans doute jamais existé. Comme Planète Terreur, Boulevard de la mort, le long-métrage de Jason Eisener a été pensé comme un film d’exploitation, baignant amoureusement dans une contre-culture nostalgique et trash, farci d’un grain artificiel et de musiques synthétiques. Un gros retour en arrière, direction les années 80. Contrairement à ses prestigieux, mais pas si réussis prédécesseurs, Hobo… ne s’inspire toutefois pas du bis italien, de la blaxploitation ou des bandes de drive-in aux rayures de pellicules innombrables. Pour définir son look, Eisener a dû avoir l’œil fixé sur un style de films bien particuliers, un studio plus précisément : Troma.

À l’école de la débrouille

Hobo with a shotgun : génération grindhouse (Étrange Festival)

Une école, un symbole, presque : celui de la production mal élevée, nanardeuse mais flamboyante, torchée avec les moyens du bord mais un amour immodéré du genre et des fantasmes cinéphiliques qu’il charrie. Du studio de Lloyd Kaufman, sont sorties des perles aussi recommandables que Toxic Avenger, Tromeo et Juliette, Surf nazis must die, Poultrygeist ou encore Killer condom. Des séries Z dont la seule limite était budgétaire, l’imaginaire incorrect et azimuté de ses géniteurs étant loin de manquer à l’appel. Cette mentalité du tournage commando, du cinéma vu comme un art punk et pourfendeur de tabous, Jason Eisener y adhère visiblement à 100 %. Réalisateur d’un court métrage furibard et gore (Treevenge ou la revanche sanglante des sapins de Noël), puis de la fausse bande-annonce qui a entraîné, comme pour Machete, la mise en production de Hobo…, Eisener a décidé d’être généreux avec un public conquis d’avance par un titre qui claque, et le casting ô combien inspiré du revenant Rutger Hauer dans le rôle-titre.

« Hobo with a shotgun est un délire à marquer d’une pierre blanche, bourré de séquences et de punchlines cultes. »

L’appellation officieuse « grindhouse » n’est donc pas synonyme ici de jmenfoutisme ou de rythme léthargique. Hobo… est une véritable décharge électrique, psychédélique et royalement vulgaire, shootée en caméra Red avec un sens consommé du cadrage qui tue (si possible en grand angle) et un choix inspiré de couleurs primaires suffisant pour situer son édifiante histoire dans un univers parallèle. Tromaville, peut-être ? Ici, l’enfer sur Terre s’appelle Scum Town. Le vagabond joué par mister Hauer arrive en ville sans armes, mais avec un rêve : quitter la rue pour ouvrir une petite entreprise de tonte de gazon. Mais la violence effroyable à laquelle il est confronté en décide autrement : plutôt que de s’acheter une tondeuse, le Hobo va plutôt se payer un fusil à pompe, protéger la jeune prostituée Abby et décimer le gang du mégalomaniaque Drake !

Ultra-violence à tous les étages

Hobo with a shotgun : génération grindhouse (Étrange Festival)

Voilà pour l’histoire, qui s’enrichit simplement par l’addition de personnages secondant le narcissiste Drake dans ses basses œuvres : ses deux idiots de fils, Slick et Ivan (habillés comme Tom Cruise dans Risky Business et circulant en De Lorean), ainsi que deux intimidants chevaliers en armure se déplaçant eux en moto (joli hommage au Knightriders de George Romero) affectueusement nommés… Le Fléau. Les références ne tiennent pas seulement de la private joke pour initiés : Eisener s’approprie volontiers visuellement les codes du cinéma de l’époque pour appuyer sa démarche référentielle. Une scène à suspense dans un hôpital évoque par ses jeux de lumière et de musique l’univers de Carpenter. La déliquescence urbaine montrée dès que l’on arrive à Scum Town doit également beaucoup au cinéma de Frank Henenlotter et au Street Trash de Jim Muro. Hobo…partage aussi avec ces derniers un goût pour le gore le plus transgressif. En délivrant la justice, le Hobo n’y va pas par quatre chemins !

Décapitations en tous genre, mutilations express, avalanche de passages à tabac et de coup de fusils à bout portant… L’ultra-violence qui jaillit à chaque séquence fait de Hobo… une expérience qui ne ravira pas tout le monde. Souvent gratuite, toujours à prendre au second degré, elle sert toutefois à définir un univers à la fois sinistre et cartoonesque, que l’on aurait peint en rouge après y avoir tagué des gros mots et dessiné des kikis. Cette note d’intention, du genre « à prendre ou à laisser » fait la force de Hobo with a shotgun, qui sans avoir l’enveloppe ou le casting d’un Robert Rodriguez, tient la distance avec une hargne inventive et un mauvais esprit réjouissant.

Un trip pas comme les autres

Hobo with a shotgun : génération grindhouse (Étrange Festival)

Comme dans le Postal d’Uwe Boll, il faut avoir l’esprit assez mal placé pour rire de choses affreuses. Il faut prendre du recul pour apprécier la fusion entre des idées au ridicule assumé (attendez de voir ce final à la tronçonneuse !) et des répliques absurdes assenées par un Rutger Hauer qui joue idéalement un rôle écrit totalement au premier degré. Pour peu que l’on rentre de plein pied dans le trip de Jason Eisener, Hobo… est un délire à marquer d’une pierre blanche, bourré de séquences et de punchlines cultes. Une réussite supérieure en tous points au triste et beaucoup plus cynique Machete sorti à la même époque.