C’est terminé pour Salto, le « Netflix français » maudit
Moins de trois ans après son lancement, le service de SVOD français Salto rend l’antenne, lâché par ses financeurs. Une fin triste mais attendue.
Il n’y a pas eu de miracle. Salto a fini par sombrer corps et bien en ce début d’année 2023, lâché par ses principaux financiers, privés (TF1 et M6) puis publics (France Télévisions). Deux ans après son lancement timide, fruit d’une gestation complexe et placée dès sa naissance sous de mauvais augures (Salto devait proposer le meilleur des contenus produits par ses trois maisons-mères, mais le principe dérangeait de base l’Autorité de la concurrence), la plateforme de streaming a logiquement échoué dans son ambition, déjà intimidante, de concurrencer Netflix sur son terrain avec une offre « à la française », majoritairement constituée de séries TV, francophones, européennes et américaines.
En ce 12 février, il n’était plus possible de s’abonner ; d’ici début mars, c’est le portail entier qui sera inaccessible (¹) : Salto tirera sa révérence en laissant une ardoise de 86 millions d’euros de déficit. De quoi ulcérer ceux qui critiquent l’investissement, massif, de France Télévisions dans ce pari risqué, même si les pertes pour le service de l’audiovisuel public ont été diminuées par la revente des parts de TF1 et M6 dans l’affaire, suite au projet de fusion avorté entre les deux chaînes.
Un positionnement trop flou
Il faut dire que le positionnement de Salto, à mi-chemin entre streaming illimité, service de replay et portail de diffusion de chaînes en direct, n’aidait pas vraiment à asseoir une identité, même à petit prix – moins de 7 euros par mois. Qui plus est, le refus des fournisseurs d’accès Internet (excepté Bouygues) de proposer un accès direct au portail français sur leur box s’est avéré rédhibitoire, pour un acteur qui proposait justement de pouvoir regarder la télé hertzienne en direct sans passer par un décodeur TV. Ajoutez à cela un investissement annoncé de 250 M€ sur trois ans pour la création de contenus inédits, somme rondelette mais dérisoire au regard des enjeux de la SVOD aujourd’hui en matière de contenus inédits, et il devient aisé de comprendre pourquoi Salto était prédestiné à une chute rapide.
« Salto était prédestiné à une chute rapide. »
Néanmoins, le chiffre annoncé en fin de course de 800 000 abonnés (ce serait plutôt 630 000 au pic d’abonnements selon un récent article de linforme.com), n’est pas honteux, même si en-dessous des objectifs nécessaires à un tel projet pour être viable. Sans tous ses tracas politico-administratifs et avec un angle d’attaque plus tranché, Salto aurait pu trouver son public (plutôt âgé, familier des programmes de la TNT mais moins de la SVOD) et, qui sait, son rythme de croisière. La France reste donc pour l’heure cantonnée en la matière aux services de niche (films de genre ou de patrimoine), certes moins riches et rutilants, mais mieux identifiés par leur cible et donc profitables. Une leçon à retenir pour la suite ?
¹ Et à ce moment devra se poser la question : où sera-t-il possible de regarder l’excellente anthologie de Steve McQueen Small Axe, exclusivité la plus incontournable de Salto ?