Nuit barbare : le home invasion tourne en rond
Thriller britannique visuellement fadasse et bien bancal, Nuit barbare vient encombrer inutilement un genre déjà surfréquenté.
Aussi stressant qu’il peut être prévisible, le genre du home invasion est plutôt encombré ces dernières décennies. Inévitable, tant il est facile de financer et tourner ce type de film où les unités de temps, de personnages et de décors sont toujours, logiquement, respectées. Mais pour se démarquer de la concurrence, c’est une autre histoire : il faut avoir quelque chose de neuf à dire et quelques rebondissements décisifs dans sa manche. Oh, et une certaine maîtrise de la mise en scène comme vecteur d’angoisse est un plus. Il n’est pas indispensable d’être David Fincher réalisant Panic Room, mais un peu d’ambition dans ce secteur n’est jamais de trop. Tous ces éléments ne répondent malheureusement pas présents dans le britannique Nuit barbare, premier film écrit et réalisé par Charles Dorfman.
Quand on a de tels amis…
Les amateurs de You’re Next et de The Strangers, auxquels il est permis de penser en soupirant, se demanderont peut-être pendant 50 minutes sur quel film ils sont tombés. Dorfman prend son temps, beaucoup de temps, pour poser les bases du drame à venir. Le film se déroule durant une nuit d’anniversaire, celui d’Adam (Iwan « Ramsay Bolton » Rheon, l’œil éberlué), réalisateur médiocre en couple avec une sculptrice à succès, Eva (Catalina Sandino Moreno). Oui, Adam et Eva, c’est bête et l’auteur semble être fier de son idée car il la souligne dans les dialogues et ouvre son œuvre avec un carton chapitré à leur nom. L’Eden des tourtereaux, c’est une villa bâtie en pleine campagne que s’apprête à leur vendre leur ami Lucas (Tom Cullen, Knightfall), un influenceur immédiatement irritant, venu pour l’occasion avec sa petite amie française Chloe (Inès Spiridonov). Pourquoi Adam et Lucas sont amis, c’est un mystère : le premier est le bêta de l’autre mâle alpha, plus petit, moins poilu et traumatisé par un cadavre de renard – ne cherchez pas, c’est une métaphore. Leur repas à quatre, entre chantage à la vente et annonce de grossesse inattendue, tourne au jeu de massacre passif-agressif, jusqu’à ce qu’Adam déballe enfin le pot aux roses et que trois intrus masqués et armés sonnent enfin à la porte.
« Nuit barbare parvient à sa conclusion
affreusement mal pensée aussi vite qu’il s’est agité. »
L’identité et les objectifs des individus qui injectent, enfin, un peu de vie à ce drame petit-bourgeois aussi creux que bizarre, seront facilement devinables pour qui ne s’est pas assoupi pendant les premières minutes. Dorfman peut bien brouiller les pistes avec des histoires de monolithe géant, de dosettes hallucinogènes et de veule tromperie, la destination est claire comme de l’eau de roche. Et ce n’est pas le faible instinct du bonhomme pour cadrer des scènes de poursuite et d’affrontement qui permettra de justifier un rythme aussi bancal. Une fois lancé, Nuit barbare parvient à sa conclusion affreusement mal pensée (dites-vous qu’Adam deviendra lui aussi un vrai mâle grâce à cette épreuve) aussi vite qu’il s’est agité. Ajoutez à cela une photographie fadasse et un décor mal exploité, et vous aurez le portrait-robot d’un produit jetable et oubliable, à l’inverse de ses encombrantes inspirations.