Le postulat de Kidnapping (titre passe-partout auquel on préférera le plus énigmatique Brake – qui signifie « frein ») aurait pu être original s’il avait été réalisé avant Buried, voire même avant le fameux double épisode des Experts réalisé par Quentin Tarantino. Pendant presque 90 minutes, le film nous enferme dans un décor unique avec un seul protagoniste. Sauf qu’il ne s’agit pas pour le coup d’un cercueil où l’air viendrait à manquer, mais d’une boîte en plexiglas installée à l’intérieur du coffre d’une voiture. Le script de Timothy Mannion a peut-être, ou peut-être pas, été écrit avant le film de Rodrigo Cortès. Qu’importe, le très buzzé long-métrage avec Ryan Reynolds est sorti avant et est resté dans les mémoires, ce qui fait de facto de Brake une « pâle copie » aux yeux des spectateurs. Mais à part son concept et la dimension post-11 septembre de l’intrigue, le film de Gaby Torres, documentariste chevronné passant ici le cap de la fiction, n’a que peu à voir en terme d’action et de style avec Buried. Et c’est tant mieux.

Enfer mécanique

Enfermé dans une voiture, Reins peut-il empêcher l’attentat qui va avoir lieu ? Réponse en bout de course...

Enfermé dans une voiture, Reins peut-il empêcher l’attentat qui va avoir lieu ?

En fait, on pense moins pendant Brake à Buried… qu’à 24 heures chrono, parangon post-9/11 de paranoïa complotiste où l’Amérique, et généralement les plus hautes sphères du pouvoir, sont à chaque fois comme des cibles faciles à la merci de terroristes aux ressources en apparence illimitées. La preuve ? Le générique de début est un exercice de style en mode « horloge rougeoyante », renvoyant aux comptes à rebours qui s’affichent en permanence au-dessus de la tête de Jeremy Reins, agent des services secrets pris au piège par des ravisseurs inconnus. Il se réveille, seul dans son cercueil transparent, avec une CB et le décor d’un coffre pour seul horizon, ainsi qu’un tuyau qui le relie à l’habitacle de la voiture. Séparé de sa femme après avoir accumulé des dettes de jeu, Reins se voit bientôt accompagné par un mystérieux interlocuteur, Henry. Il comprend à travers un message sur une carte postale (« Donnez-nous l’emplacement de Roulette ») les raisons de son kidnapping : un attentat d’envergure se prépare contre les Etats-Unis, et les terroristes ont besoin de ses informations pour le réussir, quitte à menacer sa famille.

Ne s’autorisant aucune excentricité visuelle (comme les travellings arrière impossibles qui nous faisaient ressentir l’angoisse qui étreint Ryan Reynolds dans Buried), Gaby Torres joue la carte de l’économie de moyens jusqu’au bout – ou presque – pour créer un sentiment prégnant de claustrophobie. Concassé dans son cube comme dans l’écran d’où il ne sort jamais, Reins est de plus à la merci de ses conducteurs et ballotté dans tous les sens (parfois très brutalement). Le huis-clos tourne au calvaire quand ses ravisseurs décident de lâcher sur lui un flot d’abeilles – auquel il est allergique -, qu’une balle perdue lui entaille la jambe ou que la boîte se remplit peu à peu d’eau (pas besoin de spoiler ce rebondissement, la jaquette le fait pour nous). Bref, Brake respecte à la lettre sa promesse, se reposant sur la CB et l’inévitable téléphone portable pour faire avancer l’intrigue, décrivant à l’aide de dialogues ciselés et de plans fugaces de visages extérieurs (ceux des ravisseurs dans la voiture, ceux de sauveteur potentiels à travers un trou dans le coffre) un complot destructeur. On se dit qu’on tient là un modèle de série B économique, plus ambitieux et sérieux qu’il n’y paraît.

La fin qui tue (tout ?)

Reins (Stephen Dorff), agent de la CIA pris au piège par des terroristes, va passer une sale journée, façon Jack Bauer…

Reins (Stephen Dorff), agent pris au piège par des terroristes, va passer une sale journée…

Et puis vient le moment du dénouement, alors que la tension est à son comble et qu’on se retrouve contre toute attente rivé à son fauteuil, comme s’il s’agissait de la dernière heure de Jack Bauer. Largement conspué sur Internet, le retournement de situation qui clôt Brake n’est pas tant illogique (si vous repensez au déroulement de ce qui précède, les incohérences les plus flagrantes y trouvent même une sorte d’explication) qu’irréaliste, paradoxalement plus que l’idée initiale du film. Il fait retomber Brake, en quelques minutes aux mécaniques trop familières (24 est pour le coup complètement pillé), dans le carcan du produit destiné avant tout à la vidéo, loin des particularismes esthétiques induits par l’idée d’un « huis-clos extrême » – après la cabine téléphonique, le cercueil et maintenant le coffre de voiture, ce sous-genre paraît soit dit en passant déjà épuisé. Ennemis des twists à répétition, soyez donc prévenus : Brake contient des changements de braquets qui peuvent vous faire regretter d’avoir pressé la touche « Play ».

La pilule passe toutefois, surtout dans ses 80 premières minutes, grâce à l’abattage de Stephen Dorff, logiquement seul maître à bord sur ce projet dont il est aussi le co-producteur. Celui qui avait attiré sur lui les railleries après une série de navets insupportables au début des années 2000 (Riders, Alone in the dark, La gorge du diable et surtout l’affreux Terreur.Com que l’acteur lui-même renie) au point d’être désigné comme « celui qui jouait le méchant dans Blade », s’est peu à peu racheté une respectabilité, en acceptant des seconds rôles dans de grosses productions (World Trade Center, Public Enemies, Immortels) en parallèle aux petites séries B où il se révèle parfois réellement bon (dans le carcéral Félon plus particulièrement), et surtout en intégrant la « mafia Coppola » avec le Somewhere de Sofia. On l’attend entre autres dans Zaytoun, de l’Israélien Eran Riklis (La fiancée syrienne) et le polar rétro The Iceman avec Michael Shannon. Pour les besoins de Brake, le comédien a reçu l’appui de véritables membres des services secrets, qui en font à l’écran, malgré son « terrain de jeu » limité, un digne émule de Kiefer Sutherland, jusque dans son habileté à sortir des répliques aussi plates que « J’ai prêté serment, chérie. Je dois protéger mon pays, je suis désolé ». Malgré les critiques dont il fait régulièrement l’objet, peu d’acteurs sont capables de supporter efficacement le poids d’un film sur leurs seules épaules, surtout lorsqu’ils représentent le seul élément tangible de décor dans le plan. Comme Reynolds, Dorff mérite d’être reconnu pour sa performance, son visage tuméfié mais volontaire personnifiant à merveille les qualités de cette modeste série B.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq
Kidnapping (Brake)
De Gaby Torres
2012 / USA / 91 minutes
Avec Stephen Dorff, Tom Berenger, Chyler Leigh
Sortie le 3 décembre 2012 en Blu-Ray, DVD et VOD 2014
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