Cassandro : catcheur avec le cœur
Biopic d’une star gay de la lucha libre, le catch mexicain, Cassandro offre surtout à Gael Garcia Bernal une nouvelle occasion de briller.
Avec près de 30 ans de carrière au compteur, et des rôles passés à la postérité chez des cadors aussi différents qu’Almodovar, Alfonso Cuaron ou Alejandro Gonzalez Inarritu, l’acteur mexicain Gael Garcia Bernal n’a plus rien à prouver. Il peut surtout tabler sur son aura dans les pays hispanophones pour produire et apparaître dans des projets qui le passionnent. Et à la découverte de Cassandro, une production Amazon, il est clair que Bernal s’est pris d’amour pour la personnalité et le parcours de « Cassandro el Exotico ». Un catcheur mexicain gay que l’on peut décrire — sans trop se tromper — comme le Liberace de la lucha libre, et qui a eu droit en 2018 à un documentaire éponyme sorti lui au cinéma. Un outsider par excellence, qui a renversé les préjugés dans un pays aussi catholique que pétri de préjugés, en ayant la force d’être lui-même et de le revendiquer. Rien d’étonnant à ce que sa vie intéresse le cinéma !
Du rejet à la gloire
Saul Armendariz, lutteur amateur originaire d’El Paso, vit chichement de combats de catch mexicain dans les années 80-90, où il endosse le rôle masqué d’un éternel perdant, la Taupe. Saul, qui vit encore chez sa mère, prostituée ayant dû quitter l’amour de sa vie et père de Saul, après que ce dernier ait fait, à 15 ans, son coming out, rêve d’autre chose. Agile et surdoué sur le ring, il veut lutter à visage découvert (une hérésie en soi au pays d’El Santo) et rejoindre les rangs des « Exoticos », des catcheurs queer systématiquement ridiculisés pendant les combats. Endossant le rôle du flamboyant Cassandro, le jeune homme gagne un match après l’autre l’adhésion d’une foule qui l’injuriait copieusement, ce qui lui permet de faire pencher le scénario des combats en sa faveur. Une petite révolution commence…
« Garcia Bernal, sourire éclatant et capable de susciter une empathie profonde en un regard solaire, incarne ici une âme pure. »
Contrairement au documentaire de 2018, Cassandro n’est, contre toute attente, pas un film retraçant de manière scolaire la vie entière de son grandiloquent héros, même s’il suit une trame linéaire, qui mène Saul de l’ombre à la lumière. De manière encore plus étonnante, le scénario, qui fait débuter l’action alors que l’apprenti lutteur a déjà une certaine expérience et que son enfance est déjà un souvenir, n’oppose pas de réelle adversité à Cassandro dans son parcours vers la gloire. L’exotico d’El Paso est pourtant un précurseur, un empêcheur de tourner en rond dans un business sportif machiste au possible, mais tout se passe comme si son destin était une marche en avant vers l’acceptation que rien ne pouvait dérégler. Garcia Bernal, sourire éclatant et capable de susciter une empathie profonde en un regard solaire, incarne ici une âme pure, une force du bien sûre de ses envies (professionnelles comme intimes), qui sera tout juste ébranlée par l’effacement de la figure maternelle adorée, avec qui il entretient une relation fusionnelle.
Cette absence d’antagonisme, d’obstacle tangible au parcours du bondissant Cassandro, rend le film un peu trop lisse, malgré ses qualités de reconstitution. Le réalisateur de documentaires oscarisé Roger Ross Williams préfère s’attarder, avec délicatesse, sur les scènes de vie intime, les montages musicaux et sur une star investie. Il passe sous silence les agressions physiques multiples, les violences sexuelles étant enfant, et les innombrables pépins de santé (plus attendus) qui ont émaillé la vie turbulente de Saul Armendariz. Certes, pour être exhaustif sur le personnage, il reste le documentaire, complément parfait et divertissant au film de Williams. Dommage cependant que dans ses choix, Cassandro le biopic se coupe d’une partie des éléments qui rendait le destin de l’Exotico aussi singulier et exemplaire.