Une femme en jeu : l’art de rater sa cible
Anna Kendrick relate avec Une femme en jeu une terrible histoire vraie, entre émission télé kitsch et serial killer, pour un résultat inégal.
Premier long-métrage en tant que réalisatrice de la chanteuse et actrice américaine Anna Kendrick, révélée dans la saga Twilight et surtout Pitch perfect, Une femme en jeu (Woman of the Hour en VO) raconte, en partie, l’incroyable et sinistre histoire vraie de Rodney Alcala, un tueur en série ayant assassiné plusieurs femmes pendant les années 1970. Sans crainte, malgré plusieurs témoignages et condamnations contre lui, il s’inscrit à un jeu télévisé fameux aux USA, The Dating Game (l’équivalent de notre Tournez Manège national).
Une première réalisation… qui aurait pu être meilleure
Dès le début d’Une femme en jeu, le spectateur est mal à l’aise : rien n’est dévoilé sur cette femme seule avec cet homme qui la photographie dans un lieu isolé. Très vite, leur échange tourne mal. Cette scène surprenante marque le début d’une longue série de meurtres plus ou moins brutaux, mais rien de gore ne sera dévoilé. Nous ne manquerons pas de noter que quasiment aucun prénom n’est prononcé, car ces femmes ne représentent vraiment rien pour cet homme. Daniel Zovatto (It follows) incarne avec froideur ce meurtrier : il a un physique banal, mais est maître dans l’art de maîtriser ses paroles. Il sait quoi dire pour plaire aux femmes et le film nous le montera bien à plusieurs reprises. Face à lui, Anna Kendrick, qui a donc décidé d’être devant et derrière la caméra, incarne Sheryl – une comédienne qui enchaîne les castings sans résultat jusqu’au jour où son agent l’informe qu’elle a été choisie pour participer à The dating game, où elle croisera la route de Rodney Alcala.
« Bien que soignée, la mise en scène de la star débutante reste trop classique. »
La caméra passe d’un meurtre à un passage de cette émission, de l’enfer au paradis, ce qui peut être assez déroutant. Bien que soignée, la réalisation de la star débutante reste trop classique. Anna Kendrick a préféré se concentrer sur la photographie, sans utiliser des effets visuels à outrance, même si certaines scènes bénéficient d’un format carré, comme si le spectateur regardait réellement cette émission sur son poste de télévision. Le scénario souligne à quel point, à l’époque, les femmes étaient souvent résumées à leur physique : l’animateur de l’émission Ed Burke (Tony Hale, Veep) estime que la tenue de Sheryl ne convient pas et lui demande de sourire et de ne pas paraître trop intelligente. Une scène qui contraste complètement avec celle qui la précède, où la maquilleuse et la coiffeuse échangent des ragots sur les candidats des émissions précédentes, dans une ambiance détendue et sous le regard ébahi de Sheryl.
Du suspense et des longueurs
Malgré tout, Une femme en jeu se perd en consacrant énormément de temps à cette émission. Même si cela permet de développer le personnage de Rodney, cette partie se révèle trop longue. La caméra oscille entre le plateau et les coulisses, mais armée de rires préenregistrés, l’émission est sans surprises et sa reconstitution ne prend pas de risques. L’intrigue se poursuit en parallèle sur cette chasse à l’homme qui semble de plus en plus se rapprocher du coupable. Les autorités paraissent dépassées par cette affaire, et le coup de grâce viendra d’un agent de sécurité qui ne prendra pas au sérieux un témoignage. Malgré le talent d’Autumn Best (Les 4400), qui incarne Amy, adolescente en fugue ayant survécu à sa rencontre terrifiante avec Alcala, la fin tire, elle aussi, en longueur. Trop pour maintenir l’intérêt du spectateur – Une femme en jeu souffre de ces questions de rythme, et ne dure pourtant que 94 minutes.
Dommage mais quel plaisir de voir Anna Kendrick en tant que réalisatrice, ça promet pour l’avenir.