June & John : le True Romance du pauvre de Luc Besson

Luc Besson revient par la petite porte avec un road movie romantique, June & John, qui sera bien plus vite oublié que ses déboires judiciaires.
Luc Besson, autrefois célébré comme l’un des cinéastes français les plus populaires, montrant la voie à toute une génération de réalisateurs amoureux du cinéma de genre, avec des œuvres emblématiques comme Subway, Le grand bleu, Nikita ou Léon, a vu son étoile pâlir après des échecs retentissants comme Adèle Blanc-Sec ou Valérian et la Cité des Mille Planètes. Mis en accusation pour, disons-le poliment, un nombre conséquent de motifs, allant du harcèlement aux violences sexistes et sexuelles, en passant par le plagiat, l’homme s’était fait discret depuis quelques années. Après une tentative de retour sur le devant de la scène avec Dogman, sorti dans une certaine indifférence et avant la sortie de son Dracula : A love tale, son nouveau projet « secret » intitulé June & John, fruit d’une collaboration interrompue en 2020 avec une entreprise chinoise de téléphonie mobile, s’avère être le premier de ses longs-métrages à être expédié directement en streaming.
À l’origine, le projet devait être un court-métrage tourné intégralement au téléphone. Ce dernier racontait une histoire minimaliste : un homme, John, prend le métro et aperçoit une femme dans la rame adjacente. Ils échangent un regard, une sorte de coup de foudre naît. June, la femme mystérieuse, souffle sur la vitre de son wagon, écrit son prénom et lui dit de l’appeler. Le métro redémarre, laissant John abasourdi et immobile, marqué par cette rencontre. Lorsque le COVID-19 met fin à cette collaboration initiale, Besson décide de transformer cette idée en une version longue.
La femme parfaite selon Luc

June & John, le film, narre donc l’histoire de John (Luke Stanton Eddy, The Alto Knights), un employé de bureau solitaire et dépressif, accro aux médicaments, dont la vie est bouleversée après sa rencontre dans le métro avec June (Matilda Price, top model aux velléités d’actrice comme Milla Jovovich et Cara Delevingne avant elle). Déterminé à la retrouver, John fait le tour des réseaux sociaux. Leur idylle débouche sur un road movie effréné aux forts accents de True Romance, où John suit June dans une série d’aventures qui chamboulent son quotidien monotone.
Le personnage de June, tout comme le physique de son actrice, incarnent une figure typiquement bessonienne, exploitée jusqu’à l’overdose dans ses réalisations et scénarios Europacorp : une héroïne fantasque, diaphane et presque extraterrestre, qui perpétue le cliché de la manic pixie dream girl, et chamboule le quotidien d’un homme embourbé dans sa routine. Mais la relation entre les deux acteurs manque d’une réelle profondeur émotionnelle, les moments de séduction entre les deux protagonistes étant expédiés à travers quelques échanges sur Instagram. L’apparition de June dans la vie de John rappelle furieusement celle de Tyler Durden dans Fight Club, surgissant de manière énigmatique, à l’image de leur seconde rencontre qui se fait à son bureau, où June s’est installée sans prévenir. Cependant, Besson laisse rapidement tomber cette idée de döppleganger et fait évoluer son scénario vers des histoires d’évasion et de braquage, souvent maladroitement. Ce qui accentue le côté patchwork de scripts laissés sur les étagères dans lesquels le réalisateur a sans doute pioché ça et là pour construire June & John.
« June & John est un film typique de Besson,
pour le meilleur et surtout pour le pire. »
Visuellement, le film alterne entre quelques tableaux amusants, tels que la scène du mariage, et d’autres plus gênants, comme ce moment où John apprend à nager. Tourné presque entièrement au smartphone, le procédé révèle assez vite ses limites, surtout dans les scènes en intérieur ou de nuit, bien qu’il se montre efficace en extérieur grâce à la maniabilité de l’appareil. Cette liberté technique permet à Besson d’expérimenter avec les cadres, mais certains gros plans s’avèrent particulièrement peu flatteurs.
En somme, June & John est un film typique de son réalisateur, pour le meilleur et surtout pour le pire, dans sa narration comme dans ses personnages. Nul besoin de souligner que la musique d’Eric Serra manque aussi cruellement à l’appel. Une œuvre mineure, une de plus, mais qui malgré ses flagrantes imperfections, devrait satisfaire les indécrottables aficionados du cinéaste – présents en nombre à l’unique projection sur grand écran du film, au Grand Rex.