Play Dirty : modeste braquage à la Shane Black

par | 9 octobre 2025

Play Dirty : modeste braquage à la Shane Black

De retour avec Play Dirty au polar hard boiled garni d’humour cynique, Shane Black déçoit pourtant, entre casting raté et script faiblard.

Dans le paysage moribond du film d’action américain, les amateurs de bons mots entre deux impacts de douilles sont orphelins depuis des années du « style » Shane Black, le créateur de L’Arme Fatale et auteur des jouissifs Kiss Kiss Bang Bang et The Nice Guys. La sortie d’un nouveau film du scénariste, tête brûlée de Hollywood sur les plateformes, plutôt qu’en salles, provoque forcément de la déception. Bien que renouant avec ses origines hard boiled en adaptant l’œuvre littéraire de Daniel Westlake et le personnage de Parker, autrefois joué par Lee Marvin et Mel Gibson, Play Dirty, disponible depuis le 1er octobre sur Prime Video, rate malheureusement son braquage, tout en ne rendant pas justice à son personnage principal.

Suite à une trahison durant son dernier coup, le braqueur talentueux et taciturne Parker (Mark Wahlberg) part à la recherche de la belle arnaqueuse Zen (Rosa Salazar, Alita : Battle Angel) pour réclamer vengeance. Il va se retrouver contraint d’organiser avec son équipe un braquage ambitieux pour déjouer les plans d’un dictateur, tout en affrontant la mafia de New-York avec qui il a des comptes à régler…

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Play Dirty : modeste braquage à la Shane Black

Qu’il est loin, le temps où Mark Whalberg savait être un choix de casting solide, notamment chez Scorsese. Incapable de délivrer avec panache une seule des saillies sarcastiques habituelles de Black, l’ancienne égérie de Calvin Klein n’a ni le charisme, ni l’investissement suffisant pour interpréter un personnage comme Parker. Le miscast est d’autant plus frustrant lorsque l’on sait que Robert Downey Jr était le premier choix de Black (la star du MCU est resté producteur exécutif). On lui préférera largement son partenaire Lakeith Stanfield (Get Out, Le livre de Clarence), dont le tempo comique fonctionne à merveille. Et si Rosa Salazar fait ce qu’elle peut, un peu à l’image de tous les seconds rôles du film, l’absence de profondeur et d’approfondissement de sa relation avec Parker la rend presque anecdotique, et ce jusqu’au retour du récit central en fin de film.

 « Black est en pilotage automatique, comme tenu à distance d’un sujet et d’un protagoniste qu’il adore pourtant. »

Car là est le second problème de ce Play Dirty : Black ne semble pas vraiment savoir où il va avec son adaptation de Westlake, multipliant les sous-intrigues dont on a vraiment du mal à percevoir l’intérêt, et laisse beaucoup trop de place à un personnage principal qui ne séduit pas autant qu’il devrait malgré la verve des dialogues. Pire, en multipliant les renvois à sa propre filmographie, on a parfois le sentiment d’assister à un film « à la Shane Black », plutôt qu’à la nouvelle œuvre originale du réalisateur de The Nice Guys.

The Ugly Guys

Play Dirty : modeste braquage à la Shane Black

Heureusement, il reste ici et là quelques touches d’humour bien amené et de belles idées, notamment sa fin jusqu’au-boutiste. Artisan honnête derrière la caméra, capable de donner vie à son Los Angeles adoré des années 70, le scénariste Black était attendu au tournant avec ce scénario situé au sein de la Grande Pomme. Hélas, difficile d’y croire, tant ce festival de fonds verts emballé dans une photo typique de film de plateforme (Play Dirty a qui plus est été tourné en Australie), nous ferait presque oublier – sacrilège ! – que le film se passe évidemment à Noël. Si on peut se satisfaire des idées guidant certaines scènes d’action, ces morceaux de bravoure finissent tous par être désamorcés par la laideur des CGI (mention spéciale à la course-poursuite enneigée).

Pour le reste, Black est en pilotage automatique, comme tenu à distance d’un sujet et d’un protagoniste qu’il adore pourtant. Il ne parvient pas à instaurer ce côté cool et classieux que pouvait dégager la mise en scène de The Nice Guys. Faute de mieux, et parce que le capital sympathie pour Shane Black reste énorme, Play Dirty vaut le coup d’œil pour ses quelques blagues réussies et passages musclés. Mais Los Angeles, ses détectives privés et ses petits voyous jamais avares d’une punchline nous manquent cruellement.