Arcadian : deux frères et des monstres
Sans être brillante, la série B Arcadian avec Nicolas Cage marque les esprits grâce à ses créatures, effrayantes et inédites.
Il y a plus incroyable encore que la capacité de Nicolas Cage, 60 ans, à enchaîner les tournages de films aux quatre coins du monde, alors que sa période de star surendettée semble être derrière lui : sa volonté de varier les plaisirs, de surprendre. Vous pouvez aimer ou détester l’acteur, mais il faut au moins lui reconnaître une chose : cet excentrique infatigable n’est jamais où on l’attend à l’écran. De westerns (The Old Way, Butcher’s Crossing) en néo-noirs (Sympathy for the devil), de drames indé (Pig, Dream Scenario) en thriller horrifique à succès (Longlegs), Cage semble désormais aborder chaque projet comme un défi plutôt qu’une promesse de chèque. Bon, ceci dit, dans le cas d’Arcadian, l’un de ses derniers rôles en date, difficile de dire qu’il livre la plus mémorable de ses prestations. C’est que le film post-apocalyptique de Ben Brewer (Reptile, Le Casse, déjà avec Cage), même s’il le place logiquement en tête d’affiche, ne tourne pas autour de son personnage, mais plutôt de deux frères confrontés à des bestioles voraces qui elles, marquent vraiment les esprits.
Le postulat est connu de tous les amateurs de série B : dans un futur indéfini et grisâtre, l’humanité a été décimée par une menace mystérieuse, des monstres qui attaquent uniquement la nuit. Reclus dans une ferme après avoir quitté la ville, Paul (Nicolas Cage, également producteur) a élevé seul pendant quinze ans ses deux fils, Joseph (Jaeden Martell, vu dans Ça), un petit génie de la mécanique, et Thomas (Maxwell Jenkins, Perdus dans l’espace). Le petit clan vit au rythme des tentatives d’intrusion nocturne des bêtes, tout en cherchant de quoi manger le jour. Les choses se compliquent à partir du moment où Thomas semble plus intéressé à l’idée de se rendre dans une ferme collective voisine, où vit une jolie fille, Charlotte (Sadie Soverall). Fâché avec son frangin, il prend de plus en plus de risques, tandis que Joseph s’inquiète de voir les monstres attaquer de moins en moins souvent, comme s’ils avaient décidé de changer de tactique…
La nuit leur appartient
Même s’il est évident qu’Arcadian n’a pas entièrement les moyens de ses ambitions, et ce dès les premières minutes montrant la fuite à la campagne de Paul, qui jouent exclusivement sur le hors-champ, le film de Ben Brewer n’a pas à avoir honte de son classicisme. Le monde décrit n’apporte aucun élément nouveau à un public biberonné aux ambiances décrépies et dangereuses de The Walking Dead, The last of us ou les Sans un bruit. La photo est plutôt anonyme, la musique transparente, les décors fonctionnels et même la mise en scène abusant de la caméra portée et du montage heurté n’atteignent pas des sommets. Arcadian se la joue donc en milieu de tableau, mais l’intérêt est maintenu parce que le script, lui, se concentre sur ce qui fonctionne à l’écran, à savoir les relations distendues au sein de cette petite famille masculine, rythmées par des rites de survie indispensables et une angoisse devenue familière. Sans être de grands cadors, Martell et Jenkins gagnent notre sympathie, avec la bénédiction d’un Cage en mode économe, plus rare à l’écran passé le premier tiers.
« Les frères Brewer ont inventé une bête de cinéma
assez incroyable au vu de leur budget. »
La seconde moitié d’Arcadian est en effet dévolu au dévoilement de ces fameuses bêtes féroces – et bon sang, elles valent leur pesant de moumoutes griffues. Créées par Ben Brewer et son frère Alex, les bestioles se révèlent d’abord, en partie, dans un plan large statique brillamment exécuté et « shyamalanesque », avant d’envahir progressivement l’écran avec leur morphologie indéfinissable et changeante à la Rob Bottin, à base de membres dépliants et de bouche claqueuse surmontée d’un crâne-appât (comme chez les serpents). Piochant leur inspiration chez les Critters, Tremors ou Annihilation, les frères Brewer ont inventé une bête de cinéma sincèrement assez incroyable au vu de leur budget. Le soin qu’ils y ont apporté se fait au détriment d’une narration pas très rythmée, malgré un dernier acte pétaradant, et d’un dénouement plan-plan. Comme si Arcadian ne cherchait jamais à être autre chose qu’un modeste petit film d’exploitation, porté par des acteurs impliqués et des gloumoutes velus comme débarqués d’un cauchemar fiévreux.