Await further instructions : panique cathodique
Série B horrifique autour d’une famille confinée avec sa télé, Await Further Instructions résonne étrangement avec notre actualité.
Les aléas de la distribution provoquent parfois de drôles de phénomènes dans la réception d’un long-métrage. Bien qu’il soit connu des amateurs de cinéma fantastique grâce à sa sélection au PIFFF 2019 et à Gérardmer la même année, Await Further Instructions a débarqué en France sur la plateforme Shadowz près de deux ans plus tard, et trouve un écho supplémentaire dans notre société covidée, mentalement pas encore totalement déconfinée. Car s’il est en apparence (et pas qu’un peu) une déclinaison débrouillarde d’un pitch de Quatrième Dimension poussé dans ses derniers retranchements, ce film de Johnny Kevorkian, hélas décédé depuis à l’âge de 48 ans, nous parle bel et bien d’addiction maladive, terminale aux écrans et d’un foyer peu amical transformé sans autre forme de procès en prison familiale hermétique, où toute prise de décision est conditionnée aux ordres d’une autorité extérieure invisible, menaçante et in fine, de moins en moins légitime. Enfin, ça, c’est si la métaphore est filée jusqu’au bout.
L’écran est ton maître
Un court plan introductif nous place immédiatement dans le décor, celui d’une banlieue londonienne sans éclat à la veille de Noël. Nick (Sam Gittins) revient à contrecœur dans sa famille pour présenter à ses parents, son grand-père et sa sœur sa nouvelle petite amie anglo-indienne Annji (Neerja Naik). Hélas pour Annji, la famille de Nick est uniformément antipathique, du papy raciste et veule (David Bradley, délicieusement cabotin) à la belle-sœur réac et son mari soumis en passant par la mère trop effacée incapable de contrôler un père autoritaire et, nous le devinons, assez fan de châtiments corporels. Une belle brochette de cas sociaux qui va inévitablement se disloquer après le réveillon, quand Nick et Annji s’aperçoivent que la maison est ceinturée par une forêt infranchissable de câbles noirs. La télé (cathodique, c’est important) s’allume et se met à diffuser des messages inquiétants : il ne faut pas sortir, vous êtes en danger, isolez-vous, testez-vous ou encore… vaccinez-vous avec ces seringues sorties de nulle part. Le papa joue les chefs de faction obéissant au doigt et à l’œil, mais Nick pense à raison que quelque chose cloche…
« Manipulateur car caricatural pour parvenir plus vite à ses fins, le scénario ne fait pas mystère de sa misanthropie galopante. »
Pas besoin de s’aventurer sur les routes en cas d’apocalypse pour limiter ses chances de survie, semble nous dire Await Further Instructions. Un simple clan dysfonctionnel, cocotte minute prête à exploser à la moindre crise, suffit à transformer une situation inconfortable en petit jeu de massacre sans pitié. Manipulateur car caricatural pour parvenir plus vite à ses fins, le scénario ne fait pas mystère de sa misanthropie galopante, renvoyant dos à dos toutes les personnalités qui s’affrontent entre les quatre murs de cette maison piégée. Xénophobie, machisme, complexes d’infériorité, rien ne sert d’espérer dès lors que la paranoïa et l’autoritarisme paternel s’installent et se déchaînent. Await Further Instructions pimente son huis clos sanitaire d’une mise en scène criarde et hallucinée, plongeant à l’aide de l’écran central le décor dans des tons verts, bleus ou rouges faisant ressembler le tout à un cauchemar psychédélique. Quelques pointes de gore préparent le spectateur à un dernier quart d’heure qui ose aller très loin dans le surréalisme fantastique, avec des trucages artisanaux déstabilisants et un déballage de concepts visuels frappés du bulbe, tranchant nettement avec la relative réserve de ce qui précédait. À ce stade, ça passe ou ça casse et le film ne convaincra pas tout le monde. Une chose est sûre : grâce à l’ami Johnny, il est désormais clair que les écrans nous voulaient vraiment du mal !