Blood : c’est mon fils, ma tripaille
Une mère tente de sauver son garçon transformé en simili-vampire dans Blood, drame horrifique très noir de Brad Anderson.
Jusqu’où peut aller une mère pour sauver son enfant ? Jusqu’à l’indéfendable et au bout du sacrifice de soi, si l’on en croit Blood, le nouveau film de Brad Anderson, artisan sérieux et versatile, qui n’a jamais vraiment confirmé les promesses entrevues avec The Machinist en 2004. Après avoir bifurqué un moment chez Netflix avec La Fracture, le réalisateur livre ici un drame horrifique en bonne et due forme, qui s’appuie certes sur des bases particulièrement familières (une famille en crise qui s’installe dans une bicoque isolée, une menace tapie dans les bois, des enfants innocents en péril) mais les délaisse en partie pour leur préférer une exploration fébrile du lien unissant une mère déboussolée à son fils. Avec au cœur de leur relation symbiotique, un élément évidemment central, envahissant, métaphoriquement limpide : le sang !
Pour l’amour d’un monstre
Jesse (Michelle Monaghan, Mission Impossible : Fallout) reprend sa vie en main après une longue période de désintoxication et emménage avec ses deux enfants dans une vieille masure familiale, après s’être séparé de son mari Patrick (Skeet Ulrich, dernièrement dans Scream VI). La bataille pour la garde de l’aînée, Tyler (Skyler Morgan Jones) et du petit Owen (épatant et photogénique Finlay Wojtak-Hissong) continue et s’avère brutale. Mais cette nouvelle vie prend une tournure cauchemardesque après que le chien de la maisonnée, Pippin, revienne comme possédé d’une visite dans les bois environnants. Il attaque Owen à la jugulaire et le garçon est emmené aux urgences. Sur place, l’enfant est entre la vie et la mort, mais retrouve – littéralement – des couleurs en se jetant en cachette sur sa poche de sang… pour la siroter goulûment. Jesse, infirmière de son état, doit vite se rendre à l’évidence : la seule chose qui maintient son fils en vie est l’ingestion de sang, si possible pas trop froid. Elle se met en tête de lui en fournir, secrètement, mais Owen est insatiable…
« Blood ne nous épargne rien de son combat désespéré. »
Blood est le dernier héritier d’une longue tradition de films de genre travaillant l’image contradictoire de l’enfant à bouille d’ange devenu l’incarnation d’une force diabolique surnaturelle, courant du Village des damnés au récent Hole in the Ground en passant par le Simetierre de Stephen King. Casse-cou souriant et capricieux (un garçon normal, donc), Owen se transforme en simili-vampire hagard au fil du scénario, mais reste le même aux yeux de sa mère. Ses stratagèmes pour mettre la main sur du sang frais montent graduellement en gravité, alors que le film d’Anderson révèle, contre toute attente, l’étendue de sa noirceur, loin des clichés trop confortables. La nature du mal qui a contaminé Owen, par exemple, n’est jamais explicitée. Il n’y a ni remède ni système D suffisant pour stopper sa métamorphose monstrueuse. Et l’immoralité dont fait preuve Jesse, prête à tout sacrifier, y compris (et c’est un symbole fort) sa propre santé, sera à la fois vaine et célébrée. Blood ne nous épargne rien de son combat désespéré, et l’engagement de Michelle Monaghan dans ce rôle ambivalent n’est pas pour rien dans l’intensité noire qui se dégage du film.
Traversé par une lumière automnale saisissante, mesuré dans ses effets et soigné dans sa mise en scène, Blood étonne donc par son jusqu’au-boutisme. Le film est ponctué de plans glaçants, n’épargne jamais ses personnages, et ne s’éloigne jamais d’une forme de logique réaliste (Jesse et Owen n’évoluent pas dans une sorte d’univers clos coupé du monde, mais composent au contraire avec des enjeux réels, pressants, personnifiés par Patrick, l’hôpital ou les services sociaux). En d’autres termes, il ne cède rien au folklore fantastique et aux effets faciles (si ce n’est une double fin qui en fait un peu trop), préférant créer une atmosphère macabre, inconfortable et crépusculaire qui lui confère du caractère.